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    Barenziah, la Vraie Histoire

    Kay
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    Message par Kay Mer 21 Nov - 19:03

    Je me suis replongé dans l'univers du jeu vidéo The Elder Scrolls V : Skyrim, un jeu de rôle où "riche" est un bien faible mot pour décrire son univers.

    Dans le jeu, on retrouve pas mal de bouquins que l'on peut lire. Souvent, ils racontent des "histoires vraies" qui sont arrivées à certains personnages. Et je suis retombé sur ce recueil.
    Il décrit l'histoire d'une princesse, du moment où toute jeune elle fut enlevée à son château jusqu'au moment où elle reprends son trône, et même un peu plus.

    Je le poste car ça me coûte rien, et pour ceux qui s'y intéressent, c'est très agréable à lire.
    (et jouez à ce jeu, c'est la plus belle saga épique de l'univers !! x) )






    Barenziah, la Vraie Histoire Queenbarenziah


    Dernière édition par Kay le Mer 21 Nov - 19:27, édité 2 fois
    Kay
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    Message par Kay Mer 21 Nov - 19:19

    Il y a cinq cents ans, vivaient à Longsanglot, Cité des Gemmes, une veuve aveugle et son fils unique, un jeune homme vigoureux et athlétique. Comme son père avant lui, ce dernier travaillait à la mine du seigneur de Longsanglot, car ses facultés magiques étaient inexistantes. Quoique honorable, son travail ne lui permettait de ramener que très peu d'argent à la maison. Sa mère faisait donc des tourtes aux baies sauvages, qu'elle vendait au marché afin d'arrondir les fins de mois. Elle aimait répéter qu'ils gagnaient assez d'argent car, après tout, ils mangeaient à leur faim, le toit ne fuyait que lorsqu'il pleuvait et personne ne pouvait porter plusieurs tenues vestimentaires en même temps ; une seule suffisait donc amplement.


    Mais Symmachus ne se satisfaisait pas de cette existence. Chaque jour, il espérait découvrir un nouveau filon au fond de la mine, et ainsi, gagner le joli bonus promis par le seigneur. A ses moments perdus, il buvait quelques pintes de bière à la taverne en compagnie de ses amis, avec lesquels il jouait aux cartes. Il attirait également le regard des jeunes demoiselles elfes, mais aucune ne gardait ses faveurs bien longtemps. Il était comme tous les jeunes Elfes noirs de son rang social, et seule sa grande taille le faisait sortir du lot. On murmurait d'ailleurs que l'un de ses ancêtres devait être nordique.


    La trentième année de Symmachus fut une année de réjouissance pour Longsanglot, le seigneur et sa dame puisqu'une petite fille naquit. " Une reine ", chantait le peuple, " une reine nous est née ! " Car, à Longsanglot, la naissance d'une héritière est un signe de paix et de prospérité.


    Quand arriva la Cérémonie du Nom de l'enfant royal, la mine fut fermée pour l'occasion et Symmachus se précipita chez lui pour se laver et revêtir son habit de fête.


    " Je te raconterai ", promit-il à sa mère en partant.


    En effet, la pauvre était malade et la cohue pouvait s'avérer dangereuse pour elle, d'autant que sa cécité l'empêcherait de voir quoi que ce soit.


    " Mon fils, l'appela-t-elle faiblement. Avant de t'en aller, demande à un prêtre ou un guérisseur de venir me voir, car je ne suis pas sûre d'être encore là à ton retour. "


    Inquiet, Symmachus se rendit à la paillasse de sa mère et constata qu'elle avait de la fièvre et respirait par à-coups. Il arracha la latte du plancher sous laquelle ils cachaient leurs maigres économies et compta les quelques pièces avant de devoir se rendre à l'évidence : il n'y en avait pas assez pour payer un prêtre ou un guérisseur. Il lui faudrait donner tout ce qu'ils possédaient et espérer que le soigneur accepterait de lui faire crédit. Attrapant sa cape, il sortit d'un pas décidé.


    Les rues étaient remplies de gens se dirigeant vers la clairière sacrée. Symmachus se rendit à la guilde des Mages et aux divers temples, trouvant porte close à chaque fois. " Fermé pour la cérémonie ", indiquaient toutes les pancartes.

    Jouant des coudes pour se frayer un chemin au milieu de la foule, le jeune homme rattrapa un moine en robe brune.


    " Je me ferai une joie de me rendre au chevet de ta mère après le rite, mon frère, lui répondit ce dernier après que Symmachus lui eût expliqué la situation. Mais notre seigneur a exigé que tous les hommes de foi assistent à la cérémonie et je ne tiens pas à l'offenser.


    - Mais ma mère est gravement malade, l'implora Symmachus. Et le seigneur ne s'apercevra même pas de votre absence.


    - Peut-être, mais l'abbé, si ", répliqua nerveusement le moine en se dégageant de l'étreinte du mineur et en se fondant dans la cohue.


    Symmachus essaya auprès d'autres moines, et même auprès de quelques mages, mais sans plus de résultats. Puis des gardes en armes l'écartèrent brusquement à l'aide de leurs lances et Symmachus comprit que la procession royale approchait.

    Alors que le carrosse transportant les maîtres de la cité passait à son niveau, Symmachus se jeta au premier rang et se mit à hurler.


    " Seigneur ! Seigneur ! Ma mère se meurt...


    - Je le lui interdis ! La journée est trop belle pour cela ! " rétorqua le seigneur en éclatant de rire et en jetant des poignées de pièces dans la foule.


    Symmachus était assez près pour sentir l'haleine avinée du seigneur. Sur l'autre banquette du carrosse, la dame serrait le bébé contre son sein. Elle eut une moue de dédain en voyant le jeune homme si proche.


    " Gardes ! appela-t-elle. Débarrassez-nous de ce rustre ! "


    Saisi sans le moindre ménagement, Symmachus fut frappé à de multiples reprises et abandonné, étourdi, au bord de la route.

    Malgré son atroce mal de crâne, il se releva et suivit la procession, assistant à la Cérémonie du Nom depuis le sommet d'une colline. Loin en dessous de lui, moines en robes brunes et mages en robes bleues se massaient près des nobles.


    " Barenziah "


    Il entendit vaguement le nom de l'enfant alors que le grand prêtre la soulevait à bout de bras et l'offrait aux deux lunes visibles à l'horizon : Jone qui se levait et Jode qui se couchait.


    " Je vous présente dame Barenziah de Longsanglot, ô dieux ! Bénissez-la et soyez toujours de bon conseil envers elle, afin qu'elle puisse gouverner Longsanglot avec sagesse.


    - Bénissez-la, bénissez-la... " entonnèrent tous les gens rassemblés.


    Seul Symmachus garda le silence. Tête basse, il sut au fond de lui que sa chère mère n'était plus. Et il se jura qu'il vengerait sa mort inutile en provoquant la perte du seigneur et en prenant sa fille pour épouse, afin que les petits-enfants de sa pauvre mère deviennent à leur tour les seigneurs de Longsanglot.



    Une fois la cérémonie achevée, il regarda, impassible, la procession royale retourner au palais. Le moine auquel il s'était adressé en premier lieu vint le rejoindre, heureux de pouvoir lui prendre son or.

    Quand ils arrivèrent chez lui, ils trouvèrent sa mère morte.


    " Je suis désolé, mon frère, lui dit le moine. Ne tenons pas compte de ce que tu me dois encore. Je ne puis plus rien faire ici et...


    - Rends-moi mon argent ! siffla Symmachus en levant son poing serré. Tu n'as rien fait pour le mériter ! "


    Le prêtre ouvrit la bouche pour le maudire, mais un uppercut le cueillit au menton avant qu'il ait eu le temps de proférer plus de trois mots. Il tomba comme une masse et sa tête heurta le montant de la cheminée. Il mourut sur le coup.

    Reprenant son or, Symmachus quitta la cité sans perdre une seconde. Et alors qu'il fuyait sans se retourner, il ne cessait de se répéter le même mot, comme pour affermir sa résolution :

    " Barenziah, Barenziah, Barenziah... "
    ***



    Depuis l'un des balcons du palais, Barenziah observait les soldats en armure rutilante. Disposés en rangs bien droits, ils poussèrent une clameur de joie en voyant sortir leur seigneur et leur dame, tous deux vêtus d'une armure d'ébène et d'une longue cape de fourrure teinte en pourpre. Deux splendides chevaux noirs à l'harnachement princier leur furent amenés et ils montèrent en selle, s'arrêtant à la porte de la cour pour saluer leur fille.


    " Barenziah ! s'écrièrent-ils. Au revoir, chérie ! A bientôt ! "


    Retenant ses larmes, la fillette leur fit courageusement de grands signes du bras en tenant Wuffen, son louveteau empaillé, serré contre sa poitrine. Elle n'avait jamais été séparée de ses parents et ignorait pourquoi cela devait arriver aujourd'hui, si ce n'est qu'il y avait une guerre à l'ouest et que le nom haï et redouté de Tiber Septim était sur toutes les lèvres.


    " Barenziah ! " l'acclamèrent à leur tour les soldats en levant leurs armes en son honneur.


    Puis ses parents s'en allèrent, suivis de leurs hommes et de leurs chevaliers, et la cour se vida rapidement.


    Quelques jours plus tard, Barenziah sentit qu'on la secouait. Ouvrant les yeux, elle reconnut sa nourrice, qui l'habilla rapidement et l'amena hors du palais.


    Cette période de sa vie s'effaça par la suite de sa mémoire, exception faite du souvenir d'une ombre colossale aux yeux brûlants qui emplissait le ciel. Elle fut passée de main en main, des soldats qui lui étaient étrangers apparurent puis disparurent. Sa nourrice fut remplacée par des inconnus, dont certains avaient une tête très étrange. Elle voyagea des jours et des semaines durant.

    Un matin, au réveil, elle sortit du chariot pour se retrouver dans un endroit froid où un château de pierres grises surplombait une région de collines aussi dénuées de couleur que le château et couvertes de plaques de neige. Serrant Wuffen de toutes ses forces, elle resta là de longues minutes, tremblant de froid et se sentant minuscule dans cet espace de grisaille infinie.

    Elle entra dans le château en compagnie d'Hana, servante à la peau brune et aux cheveux noirs qui voyageait avec elle depuis quelques jours. Une femme au teint de craie et à la longue chevelure grise se tenait près du feu allumé dans une grande salle. Elle fixa Barenziah de ses grands yeux bleus.


    " Elle a la peau extrêmement sombre, fit remarquer la femme. Je n'avais jamais vu d'Elfe noir jusqu'à aujourd'hui.


    - Je ne les connaissais pas non plus, madame, lui répondit Hana. Mais ce que je sais, c'est que le caractère de celle-là est à la mesure de ses cheveux. Méfiez-vous d'elle, elle mord et donne des coups de pied.


    - Je lui inculquerai vite les bonnes manières, fit l'inconnue d'un air hautain. Et qu'est-ce que cette horreur ? "


    Saisissant Wuffen, elle le jeta dans les flammes. Barenziah poussa un cri et se jeta après son louveteau, mais elle fut ceinturée avec force et, bien que se débattant comme une petite diablesse, ne put rattraper le pauvre Wuffen, qui fut transformé en cendres devant ses yeux.


    ***



    Barenziah poussa comme une fleur transplantée dans un jardin de Bordeciel, sous la tutelle du comte Sven et de son épouse, dame Inga. Extérieurement, tout semblait bien aller, mais elle sentait toujours en elle un grand vide glacé.


    " Je l'ai élevée comme ma propre fille, se plaignait souvent dame Inga, lorsque ses amies lui rendaient visite l'après-midi. Mais elle reste d'abord et avant tout un Elfe noir. Il n'y a pas grand-chose à tirer d'eux. "


    Barenziah n'était pas censée entendre ces paroles, mais son ouïe était bien plus développée que celle des Nordiques chez qui elle vivait. A en croire sa tutrice, les autres caractéristiques méprisables des Elfes noirs incluaient une propension à chaparder et à mentir ou encore à utiliser leur magie afin de jouer des tours aux adultes. Sans oublier, quelques années plus tard, un goût prononcé pour les garçons et les hommes, goût qui procurait de très agréables sensations et permettait de recevoir de nombreux cadeaux, au grand étonnement de la jeune fille. Inga désapprouvait tout particulièrement ce penchant, pour des raisons que Barenziah était bien incapable de comprendre, aussi cette dernière s'attachait-elle à ne se laisser courtiser que dans le plus grand secret.


    " Mais elle est merveilleuse avec les enfants, concéda Inga en faisant référence à ses cinq fils, qui tous étaient plus jeunes que Barenziah. Je sais qu'il ne risque rien de leur arriver quand elle s'occupe d'eux. "


    Un précepteur avait été engagé alors que Jonni avait six ans et Barenziah huit, les deux enfants suivaient leurs leçons ensemble. Barenziah aurait également voulu apprendre à manier les armes, mais cette seule pensée scandalisait le comte Sven et dame Inga. Elle reçut tout de même un petit arc et l'autorisation de tirer sur les mêmes cibles que les garçons. Elle les regardait s'entraîner au corps à corps chaque fois qu'elle en avait l'occasion et se mesurait à eux quand les adultes n'étaient pas là pour la voir, tant et si bien, qu'elle finit par se persuader qu'elle était aussi forte qu'eux, sinon plus.


    " Mais elle semble très... fière, non ? " ajoutait souvent l'une des amies de dame Inga.


    Même si elle faisait semblant de ne pas entendre, Barenziah ne pouvait s'empêcher de hocher la tête de son côté. Elle n'y pouvait rien si elle se sentait supérieure au comte et à sa dame ; il y avait en eux quelque chose qui incitait au dédain.


    Plus tard, elle apprit que Sven et Inga étaient de lointains cousins des derniers maîtres du château de Sombrelande, et elle comprit enfin. Ils n'étaient pas de véritables nobles, mais des imposteurs. Ils n'avaient pas été élevés pour régner, eux. Cela la rendit furieuse. La haine qu'elle se mit à éprouver à leur égard était devenue objective, dissociée de tout ressentiment. Elle les considéra brusquement comme des insectes écoeurants, que l'on pouvait mépriser mais en aucun cas redouter.


    Une fois par mois, un messager envoye par l'empereur amenait une bourse d'or qu'il remettait à Sven et Inga ainsi qu'un sac de champignons séchés de Morrowind, plat préféré de Barenziah. Lors des visites du représentant de l'empereur, elle était toujours obligée de se rendre présentable, du moins autant qu'on pouvait l'attendre d'un " Elfe noir squelettique ", à en croire dame Inga, avant d'être convoquée en présence du messager pour une brève entrevue. Il était rare que le même homme revienne plusieurs fois, mais tous la considéraient comme une vache à lait qu'un fermier se prépare à amener au marché pour la vendre.


    Lors de son seizième printemps, Barenziah eut l'impression que la date du marché approchait, à voir l'expression du messager.

    Mais à la réflexion, elle décida qu'elle n'avait pas envie qu'on la vende sans lui demander son avis. Le garçon d'écurie, un grand gaillard blond et gourd répondant au nom de Paille, l'implorait depuis plusieurs semaines de s'enfuir avec lui. Bien qu'il fût un peu simple d'esprit, il savait se montrer affectueux et elle décida de l'écouter. Volant la bourse d'or amenée par le messager ainsi que tous les champignons séchés du garde-manger, elle se déguisa en garçon en enfilant des chausses et une vieille tunique de Jonni... Par une belle nuit de printemps, Paille et elle prirent les deux meilleurs chevaux de l'écurie et filèrent à bride abattue en direction de Blancherive, première ville d'importance où Paille avait toujours voulu se rendre. Longsanglot et Morrowind, qui attiraient Barenziah comme un aimant, se trouvaient également dans cette direction.


    Le matin venu, Barenziah insista pour abandonner leurs chevaux. Elle savait en effet que les montures seraient activement recherchées et pensait qu'il valait mieux s'en débarrasser pour avoir une chance de semer leurs poursuivants.

    Ils marchèrent jusqu'en fin d'après-midi, préférant les chemins de traverse à la grande route, et dormirent dans une hutte abandonnée. S'accordant quelques heures de sommeil, ils repartirent au crépuscule et arrivèrent à Blancherive au moment où le jour se levait. Barenziah avait préparé une sorte de laissez-passer pour Paille, un document stipulant que le seigneur de son village le chargeait d'une course auprès d'un temple de la ville. Quant à elle, elle franchit les murs de la cité grâce à un sort de lévitation. Elle pensait en effet, à juste titre, que les gardes avaient été alertés et qu'ils guetteraient une demoiselle elfe noire et un jeune Nordique voyageant ensemble. Mais les garçons seuls, tels Paille, étaient légion et il ne risquait guère d'attirer l'attention, surtout munis de papiers.


    Le plan se déroula à merveille. Elle retrouva Paille au temple, situé non loin des portes de la ville. La jeune fille connaissait quelque peu Blancherive, pour s'y être rendue en quelques occasions, contrairement à Paille qui n'était pour ainsi dire jamais sorti des limites de la propriété de Sven, où il avait vu le jour.

    Ils se rendirent à une auberge délabrée dans le quartier pauvre de la cité. Barenziah portait des gants et avait relevé la cagoule de sa cape afin de se protéger du froid matinal, cachant ainsi sa peau sombre et ses yeux rouges. Personne ne fit attention à eux. Ils entrèrent dans l'établissement séparément, Paille louant une petite chambre et payant pour un énorme repas et deux chopes de bière. Barenziah le rejoignit discrètement quelques minutes plus tard.

    Ils burent et mangèrent à satiété pour fêter leur évasion, puis montèrent dans leur chambre où ils firent l'amour frénétiquement sur l'étroite paillasse avant de sombrer dans un sommeil sans rêves.


    Ils restèrent une semaine à Blancherive. Paille gagnait un peu d'argent en faisant des courses de-ci, de-là et Barenziah cambriolait les maisons de nuit. Toujours habillée en garçon, elle coupa ses longs cheveux roux et les teignit en noir. Bien que son déguisement fut désormais bien meilleur, elle prenait tout de même garde à rester cachée aussi souvent que possible, car les Elfes noirs étaient très peu nombreux en ville.


    Un jour, Paille leur obtint un emploi de gardes au sein d'une caravane faisant route vers l'est. Le sergent manchot inspecta Barenziah d'un oeil critique.


    " Tu es bien un Elfe noir, hein, petit ? fit-il en gloussant. Avec toi, c'est un peu comme si on demandait à un loup de garder les moutons, si tu vois ce que je veux dire. Mais j'ai besoin de bras et, comme on ne va pas à Morrowind, tu ne risques pas vraiment de nous trahir, vu que nos brigands d'ici auront aussitôt fait de te trancher la gorge qu'à moi. "


    Le sergent s'intéressa ensuite à Paille, mais se retourna brusquement vers Barenziah en dégainant son épée courte. La jeune fille réagit en un clin d'oeil, tirant sa dague et se mettant en position défensive avant qu'il n'ait le temps de faire un pas vers elle. Paille sortit lui aussi son couteau et se plaça de manière à prendre le manchot en tenaille. Mais le sergent se contenta de glousser à nouveau en rangeant son arme :


    " Pas mal, les petits gars, pas mal du tout. Tu sais te servir de ton arc, l'Elfe ? demanda-t-il, Barenziah lui prouvant immédiatement que c'était le cas. Bien ! Et je sais que tu as une bonne vue et une ouïe particulièrement aiguisée, mon garçon. Un bon Elfe noir est un excellent élément, et je suis bien placé pour le savoir : j'ai servi sous les ordres de Symmachus avant de perdre ce bras et d'être chassé de l'armée impériale. "


    " On pourrait les trahir, suggéra Paille alors qu'ils s'apprêtaient à passer leur dernière nuit à l'auberge. Je connais quelqu'un qui paierait bien pour cela. Ou on pourrait les voler nous-mêmes. Ces marchands sont très riches, tu sais, Berry.


    - Que voudrais-tu qu'on fasse de tout cet argent ? rétorqua la jeune femme en éclatant de rire. Et de toute façon, nous avons autant besoin de leur protection qu'eux ont besoin de la nôtre.


    - On pourrait acheter notre ferme à nous et s'installer tous les deux, Berry.


    Paysan ! songea-t-elle avec mépris. Jamais il ne serait capable d'avoir d'ambition plus élevée que ses petits rêves médiocres. Mais elle resta silencieuse.


    - Pas ici, Paille, lui dit-elle. Nous sommes encore trop près de Sombrelande. D'autres opportunités nous seront offertes plus à l'est. "



    La caravane n'alla pas plus loin que Solgard. L'empereur Tiber Septim I avait fait construire des routes relativement sûres, car régulièrement patrouillées, mais les taxes étaient particulièrement élevées, aussi la caravane préféra-t-elle emprunter des voies moins importantes. La menace des brigands, humains ou orques, n'en était bien évidemment que plus grande, mais tels étaient les risques du transport de marchandises.


    Ils rencontrèrent des bandits à deux reprises avant d'atteindre Solgard. La première fois, les oreilles de Barenziah décelèrent l'embuscade suffisamment à l'avance pour que les gardes puissent encercler et attaquer de revers ceux qui comptaient les prendre par surprise. La seconde fois, ils furent assaillis de nuit par une bande d'humains, de Khajiits et d'Elfes des bois. Ces brigands étaient nettement plus doués que les précédents et même Barenziah ne les entendit pas à temps. Le combat fut autrement plus farouche. On finit par repousser les agresseurs, mais deux gardes le payèrent de leur vie et Paille reçut une méchante estafilade à la cuisse avant que Barenziah ne tranche la gorge du Khajiit qui semblait déterminée à le tuer.


    Barenziah appréciait ce mode de vie. Le sergent l'aimait bien et elle passait ses soirées à écouter les histoires qu'il racontait autour du feu de camp. Toutes avaient trait aux campagnes militaires qu'il avait menées en Morrowind, sous les ordres de Tiber Septim et du général Symmachus. Ce Symmachus avait reçu son grade actuel après la chute de Longsanglot.


    " C'est un excellent soldat, ça oui, concéda le sergent. Mais, à mon avis, il y a quelque chose de louche sous toute cette histoire de Longsanglot. Enfin, j'imagine que tu en sais davantage que moi à ce sujet, petit.


    - Non, je ne m'en souviens pas vraiment, répondit Barenziah en essayant de ne pas montrer son intérêt. J'ai passé presque toute ma vie en Bordeciel, après que ma mère ait épousé un homme de cette province. Mais ils sont tous les deux morts. Dites-moi, qu'est-il advenu du seigneur de Longsanglot et de sa dame ?


    - Aucune idée, fit le sergent en haussant les épaules. Doivent être morts, j'imagine. C'est l'armée qui fait la loi en Morrowind, aujourd'hui. Plutôt calme, comme coin. Presque trop, d'ailleurs. Un peu comme si une tempête se préparait. Pourquoi, tu comptes y retourner, mon garçon ?


    - Peut-être bien ", dit Barenziah afin de clore le sujet.


    A la vérité, elle se sentait irrésistiblement attirée par Morrowind et Longsanglot, comme le papillon peut l'être par la flamme. Paille le sentait et en était malheureux, d'autant qu'ils ne pouvaient plus coucher ensemble, Barenziah étant censée être un garçon. Cela manquait aussi à la jeune fille, mais visiblement pas autant qu'à Paille.


    Le sergent aurait bien voulu les embaucher pour le retour, mais leur donna tout de même une prime ainsi qu'une lettre de recommandation quand ils déclinèrent son offre.

    Paille souhaitait s'installer de façon permanente près de Solgard, mais Barenziah insista pour qu'ils poussent plus loin vers l'est.


    " Je suis la reine de Longsanglot de droit, dit-elle sans savoir si c'était exact ou si elle rêvait éveillée. Je veux rentrer chez moi. Il le faut. J'en ai besoin. "


    Et cela était, au moins, on ne peut plus vrai.


    Quelques kilomètres plus loin, ils se firent recruter par une autre caravane en route vers l'est. Au début de l'hiver, ils arrivèrent à Faillaise. La frontière de Morrowind n'avait jamais été aussi proche, mais le climat ne cessait de se détériorer et ils apprirent qu'aucune caravane ne partirait avant le milieu du printemps.


    Du haut des remparts de la ville, Barenziah contemplait la gorge encaissée séparant Faillaise des montagnes enneigées qui défendaient l'accès en Morrowind.


    " Longsanglot est encore bien loin, Berry, lui dit doucement Paille. Et la région qui nous en sépare regorge de loups, de brigands, d'Orques et pire encore. Il faut attendre le printemps.


    - Nous pourrions pousser jusqu'à La Tour de Silgrod, dit-elle, faisant référence à la cité des Elfes noirs, construite autour de l'ancienne place forte qui séparait Bordeciel et Morrowind.


    - Les gardes du pont ne me laisseront jamais passer, Berry. Ce sont des troupes impériales d'élite ; impossible de leur graisser la patte. Si tu veux partir, tu le feras seule. Je n'essayerai pas de te retenir. Mais que vas-tu devenir ? La Tour de Silgrod est pleine de soldats impériaux. Tu as l'intention de laver leur linge ou de réchauffer leurs couches ?


    - Non ", répondit-elle, pensive.


    En réalité, l'idée n'était pas dénuée d'attrait. Elle était sûre qu'elle pourrait au moins gagner de quoi subsister en couchant avec les soldats en échange d'argent. Elle l'avait fait à plusieurs reprises en Bordeciel, s'habillant de nouveau en femme après avoir échappé à la surveillance de Paille. Mais surtout, elle l'avait fait pour voir si ailleurs l'herbe était plus verte. Paille était gentil mais si peu intéressant. Elle avait été surprise mais extrêmement heureuse de se voir offrir de l'argent après coup. Paille n'avait guère apprécié, cependant ; chaque fois qu'il s'en était rendu compte, il avait crié et boudé plusieurs jours durant. Il était très jaloux et avait menacé à plusieurs reprises de la quitter si elle continuait. Mais il ne le ferait jamais, bien sûr ; il en était bien incapable.


    Mais tout le monde disait que les gardes impériaux étaient des brutes et, au cours de son voyage, Barenziah avait entendu des récits qui glaçaient le sang, les pires provenant de la bouche de vétérans qui les racontaient fièrement, dans le but de les choquer, elle et Paille. Mais cela ne l'avait pas empêchée d'être sûre que ces horreurs n'étaient pas sans fondement. Paille détestait encore plus ces atroces histoires bien que fasciné lui aussi par leur sauvagerie.

    Sentant ceci, elle l'avait encouragé à aller voir d'autres femmes, mais il ne voulait personne d'autre qu'elle. Elle lui avait répondu qu'elle ne ressentait pas la même chose, tout en ajoutant que c'était lui qu'elle préférait.


    " Alors, pourquoi vas-tu voir d'autres hommes ? lui avait-il demandé un jour.


    - Je n'en sais rien.


    - On dit que vous autres, Elfes noirs femmes, êtes toutes comme ça ", s'était-il lamenté en soupirant.


    Elle avait haussé les épaules en souriant.


    " Vraiment, je ne sais pas... ou peut-être que si, après tout. Si, je sais, avait-elle décidé en l'embrassant affectueusement. J'imagine que c'est une réponse qui en vaut bien une autre. "
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    Message par Kay Mer 21 Nov - 19:21

    Barenziah et Paille s'installèrent à Faillaise pour l'hiver, louant une chambre peu coûteuse dans le quartier le plus mal famé de la cité. Barenziah souhaitait rejoindre la guilde des Voleurs locale, consciente des graves ennuis auxquels elle s'exposerait si on la prenait cambriolant à son compte. Un jour, dans un bar, elle attira l'attention d'un membre connu de la guilde, un jeune Khajiit du nom de Therris, à qui elle offrit de coucher avec elle, s'il acceptait de la faire entrer dans l'organisation. Il l'examina des pieds à la tête et accepta, satisfait de ce qu'il voyait, mais non sans la prévenir qu'elle devrait tout de même se plier au rituel d'initiation.


    " De quoi s'agit-il ? voulut-elle savoir.


    – Commence par respecter ta part du marché, beauté. "


    La prenant par la taille, il l'embrassa goulûment en glissant la main sous sa jupe.


    " Hmm, très agréable, commenta-t-il alors que sa main remontait le long de la cuisse pour se refermer sur la fesse de la jeune femme.


    – Allons dans ma chambre, proposa cette dernière, aussi embarrassée qu'excitée par l'empressement dont il faisait preuve.


    – Pourquoi donc, petite ? fit-il, un sourire insolent aux lèvres. Tu as envie de moi, pas vrai ? Je suis sûr que tu serais même disposée à me payer.


    – Non ", rétorqua-t-elle.


    Elle le désirait, certes, mais pas à ce point.


    " Non ? s'étonna-t-il. Bah, mais un marché est un marché, et Therris tient toujours parole. Toi aussi, j'espère. Ce sera ici et maintenant ou pas du tout. "


    Relevant la jupe de Barenziah, il l'attira sur ses genoux, face à lui. Cela fait, il défit les boutons de la chemise de la jeune femme, dénudant ses seins et ses épaules.


    " Chouettes nichons, gamine ", commenta-t-il, admiratif.


    Bien que tournant le dos à la salle, elle sentait les autres clients la regarder. Le silence s'était fait dans l'établissement et même le barde installé dans le coin avait posé son luth. Elle ne savait ce qui prédominait en elle, l'écoeurement ou le désir. D'une main habile, elle libéra le membre gonflé de Therris. Quelque chose la surprit, mais elle n'eut pas le temps de se demander de quoi il s'agissait. Il l'empala sans attendre et elle poussa un cri de plaisir et de douleur mêlés. Puis tout devint noir.


    Lorsqu'elle revint à elle, elle se trouvait assise à côté de Therris, qui finissait de lui boutonner la chemise.


    " Tu m'as fait mal ! se plaignit-elle.


    – C'est toujours le cas, beauté. Personne ne t'avait mise au courant, pour les Khajiits ? Mais c'était bon, pas vrai ? "


    Elle lui lança un regard noir en comprenant ce qui l'avait blessée de la sorte : le sexe de Therris était couvert de piquants, comme celui d'un chat.


    " On peut en rester là, si tu préfères, fit-il en haussant les épaules.


    – Non, je n'ai pas dit ça. Mais la prochaine fois, ce sera en privé. Et pas avant un jour ou deux, le temps que je me remette, d'accord ? "


    Therris éclata de rire.


    " Alors, il y aura bien une prochaine fois, hein ? Tu me plais, petite. "


    Paille allait la tuer, et peut-être que Therris aussi. Qu'est-ce qui lui avait pris de se comporter de la sorte ? Elle fit le tour de salle des yeux avec appréhension, mais les autres clients ne s'intéressaient plus à elle. Elle ne reconnut personne et, par chance, ce n'était pas dans cette auberge que Paille et elle logeaient. Peut-être ne l'apprendrait-il jamais... ou, du moins, pas de sitôt.



    Therris était de loin l'homme le plus excitant et le plus attirant que Barenziah ait connu. Non seulement il lui expliqua ce qu'elle devait apprendre pour devenir membre de la guilde des Voleurs, mais il lui prodigua lui-même toutes les leçons possibles, la présentant à des amis lorsqu'il ne se sentait pas capable d'assurer certains cours.


    Katisha comptait au rang des relations de Therris. Cette Nordique bien en chair avait quelques connaissances en matière de magie. Mariée à un forgeron à qui elle avait donné deux enfants, aujourd'hui adolescents, elle était on ne peut plus respectable, si ce n'était qu'elle adorait les chats (et, par extension, leur équivalent humanoïde, les Khajiits). Elle possédait donc un certain savoir magique et fréquentait des gens étranges. Elle apprit à Barenziah un sort d'invisibilité et lui enseigna d'autres moyens de ne pas se faire remarquer, allant de la furtivité au déguisement. Elle mêlait sans complexe magie et dons ordinaires, utilisant la première pour rendre les seconds plus performants, et inversement. Bien que ne faisant pas partie de la guilde, elle considérait un peu Therris comme son fils. Barenziah s'entendait mieux avec elle qu'avec aucune autre femme qu'elle ait jamais connue, et elle lui raconta toute sa vie au cours des semaines qui suivirent.


    Elle amenait de temps en temps Paille avec elle. L'ancien garçon d'écurie approuvait qu'elle fréquente Katisha, mais pas Therris. Quant à ce dernier, il trouvait Paille " intéressant ", à tel point qu'il finit par suggérer à Barenziah d'organiser ce qu'il appelait un " trio ".


    " Hors de question ! refusa catégoriquement Barenziah, en le remerciant mentalement d'avoir abordé le sujet en privé, pour une fois. Il n'aimerait pas ça, et moi non plus ! "


    Therris lui dédia son plus beau sourire en s'étirant sensuellement sur sa chaise.


    " Vous pourriez être surpris, toi comme lui. C'est si vite lassant, à deux. "


    Elle lui répondit d'un regard assassin.


    " Mais peut-être que c'est l'idée de faire ça avec ton paysan qui te dérange, beauté. Tu préfèrerais que je contacte un de mes amis ?


    – Oh, non. Et si tu t'es déjà lassé de moi, vous n'avez qu'à trouver quelqu'un d'autre, ton ami et toi. "


    Après tout, elle était désormais membre de la guilde, ayant passé son rite d'initiation avec succès. Therris lui était utile, mais pas indispensable. Et peut-être commençait-elle à le trouver quelque peu ennuyeux, elle aussi.



    Elle aborda avec Katisha le sujet des hommes et des problèmes qu'elle avait ou pensait avoir avec eux. Son aînée secoua la tête et lui expliqua qu'elle recherchait l'amour, pas le plaisir sexuel, et qu'elle reconnaîtrait l'homme de sa vie dès qu'elle le verrait, mais que ce n'était manifestement ni Therris, ni Paille.


    " J'ai entendu dire à plusieurs reprises que les femmes elfes noirs ont la cuisse légère, fit Barenziah en inclinant la tête sur le côté. Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'elles se comportent comme des prostituées ?


    – Pas nécessairement, encore que certaines doivent choisir cette profession, j'imagine. Hommes ou femmes, tous les Elfes aiment multiplier les partenaires et les expériences quand ils sont jeunes, mais cela te passera. J'ai l'impression que c'est en train, d'ailleurs. Mais tu devrais commencer à fréquenter de gentils Elfes. Si tu continues à ne voir que des Khajiits et des humains, tu vas finir par tomber enceinte.


    – Je crois que j'aimerais bien, répondit Barenziah en souriant machinalement. Mais le moment serait plutôt mal choisi, non ? Je n'ai même pas de maison.


    – Quel âge as-tu, Berry ? Dix-sept ans ? Avec un peu de chance, tu ne devrais pas devenir fertile avant un ou deux ans. Par la suite, les Elfes n'ont des enfants que très rarement, aussi ne devrais-tu pas risquer grand-chose si tu ne fréquentes que des hommes de ta race.


    – Paille veut acheter une ferme et m'épouser, se rappela-t-elle soudain.


    – Mais le souhaites-tu, toi ?


    – Non, enfin, pas encore. Un jour, peut-être. Oui, plus tard. Mais pas si je ne suis pas reine. Et pas n'importe quelle reine, la reine de Longsanglot ", dit-elle d'un ton déterminé, comme pour faire taire ses propres doutes.


    Katisha décida d'ignorer cette dernière remarque. L'imagination débordante de sa cadette l'amusait et, après tout, c'était la preuve qu'elle était capable de se servir de sa tête.


    " J'ai bien l'impression que Paille sera devenu un vieillard avant que ce jour n'arrive, fit-elle. N'oublie pas que les Elfes ont une très grande espérance de vie, Berry. "


    Katisha fut brièvement jalouse de sa jeune amie, comme les humains l'étaient souvent quand ils songaient à la longévité que les dieux avaient accordée aux Elfes. Certes, rares étaient ceux qui atteignaient l'âge de mille ans, en raison des guerres et des épidémies, mais c'était théoriquement possible et quelques-uns y étaient parvenus.


    " Oh, mais j'aime bien les hommes mûrs, aussi ", répondit Barenziah.


    Katisha éclata de rire.



    Barenziah attendait nerveusement que Therris ait fini de fouiller les piles de papiers posées sur le bureau. Il procédait méthodiquement, replaçant chaque objet à l'endroit où il l'avait trouvé.


    Ils s'étaient introduits dans la demeure d'un noble, laissant Paille en sentinelle à l'extérieur. Selon Therris, le travail était facile mais secret, à tel point qu'il n'avait pas souhaité en parler aux autres membres de la guilde. Il ne pouvait faire confiance qu'à Berry et à Paille, pas aux autres.


    " Dis-moi ce que tu cherches et je t'aiderai à le trouver ", dit-elle enfin.


    Therris y voyait moins bien qu'elle dans le noir, mais refusait qu'elle fasse apparaître ne serait-ce qu'un petit globe de lumière.

    Elle ne s'était jamais trouvée dans un lieu aussi luxueux ; même le manoir du comte Sven et de dame Inga à Sombrelande paraissant bien pâle à côté. Elle ne savait où donner de la tête tandis que Therris la guidait dans la succession de salons aux plafonds incroyablement hauts. Mais le Khajiit ne semblait intéressé que par le bureau de la bibliothèque du premier.


    " Chut ! siffla-t-il, énervé.


    – Quelqu'un arrive ! " dit-elle avant que la porte ne s'ouvre brusquement.


    Deux silhouettes indistinctes entrèrent dans la pièce. Poussant sa complice vers les nouveaux venus, Therris courut vers la fenêtre. Les muscles de Barenziah se contractèrent. Incapable de bouger ou de parler, elle demeura impuissante alors que le plus petit des deux hommes poursuivait le voleur. Il y eut deux brefs éclairs de lumière bleutée et Therris s'effondra sans un cri.


    De nombreux bruits de course résonnèrent dans le couloir, les cris d'alerte se succédant tandis que les gardes enfilaient leur armure à la hâte.


    Le plus grand des deux inconnus, un Elfe noir, tira Therris jusqu'à la porte et le confia à quelqu'un qui attendait à l'extérieur. Il indiqua alors à son compagnon en robe bleue de sortir d'un geste de la tête. Une fois seul avec Barenziah, il approcha d'elle. Elle se rendit compte qu'elle pouvait de nouveau bouger, même si sa tête bourdonnait atrocement chaque fois qu'elle faisait le moindre geste.


    " Ouvre ta chemise, Barenziah, ordonna l'Elfe, souriant en voyant qu'elle préférait en refermer les pans plutôt que de lui obéir. Tu es une fille, n'est-ce pas ? Tu aurais dû cesser de t'habiller en garçon depuis des mois. Ce faisant, tu n'as fait qu'attirer l'attention un peu plus encore. Et enfin te faire appeler Berry ! Ton ami Paille est-il trop stupide pour retenir un autre nom ?


    – C'est un prénom courant, chez les Elfes, se défendit-elle.


    – Pas chez les Elfes noirs, j'en ai peur, ma chère, rétorqua-t-il en secouant la tête et en se mettant soudain à la traiter avec respect. Mais vous ignorez absolument tout des Elfes noirs, n'est-ce pas ? Sachez que je le regrette, mais je vais essayer d'y remédier.


    – Qui êtes-vous ?


    – Et moi qui me croyais célèbre, fit-il avec un petit sourire d'autodérision. Je me nomme Symmachus, dame Barenziah. Le général Symmachus, de l'armée de sa puissante et terrible Majesté Tiber Septim Ier. Et je dois dire que vous m'avez bien fait courir, bien que j'aie deviné assez rapidement que votre objectif ultime devait être Morrowind. Mais vous avez eu de la chance. Nous avons cru reconnaître Paille dans un cadavre retrouvé à Blancherive et j'ai ordonné l'arrêt des recherches. C'était une erreur, je le reconnais, mais je n'aurais jamais cru que vous resteriez si longtemps avec lui.


    – Où est-il ? Comment va-t-il ? demanda-t-elle, réellement inquiète.


    – Oh, il va bien... du moins, pour le moment. Nous l'avons arrêté, bien sûr. Comme ça, vous éprouvez... des sentiments à son égard ? "


    Il lui adressa un regard empreint d'une intense curiosité. Elle n'était pas habituée à fixer ainsi des yeux rouges, sauf quand elle se regardait dans le miroir.


    " C'est mon ami ", expliqua-t-elle à mi-voix.


    Elle venait juste de réaliser qui elle avait en face d'elle. Symmachus, général de l'armée impériale, dont on disait qu'il savait se faire entendre de Tiber Septim en personne.


    " J'espère que vous ne m'en voudrez pas de vous le faire remarquer, mais vous avez de bien étranges amis, madame.


    – Veuillez cesser de m'appeler madame ", rétorqua-t-elle, irritée par le ton sarcastique de l'homme, mais il se contenta de sourire.


    Le vacarme s'était calmé au cours de leur conversation, même si Barenziah entendait encore des gens chuchotant tout près. L'Elfe s'assit sur un coin du bureau. Il avait l'air parfaitement détendu et prêt à rester longtemps.


    C'est alors qu'elle réalisa qu'il avait parlé de ses amis au pluriel. Il savait tout d'elle. Elle se mit à avoir vraiment peur.


    " Que... qu'allez-vous leur faire ? Et moi... que va-t-il m'arriver ?


    – Ah, nous y voilà enfin. Comme vous le savez, cette demeure appartient au commandant en chef des troupes impériales du secteur, autrement dit, à moi. Comment, vous l'ignoriez ? fit-il en notant l'expression de surprise de Barenziah. Vous êtes bien téméraire, madame, même pour une jeune femme de dix-sept ans. Il faut toujours savoir à quoi l'on s'expose avant d'agir.


    – Mais... mais la guilde n'aurait pas... "


    Elle tremblait comme une feuille. Jamais la guilde des Voleurs ne s'attaquait à Tiber Septim, sous peine de représailles. Quelqu'un avait commis une terrible erreur, et c'était elle qui allait en payer le prix.


    " Je ne vous le fais pas dire, la coupa Symmachus. Je serais surpris que Therris ait reçu l'approbation de ses supérieurs. D'ailleurs, je me demande si... "


    Il tira plusieurs tiroirs, en sortit un qu'il posa sur le bureau et en ôta son double fond. Une feuille de papier pliée y était rangée. On aurait dit une carte. Barenziah s'en approcha furtivement, mais il s'en aperçut et se saisit du papier, vérifiant qu'il s'agissait bien de ce à quoi il pensait avant de le remettre à sa place.


    " Téméraire, oui, vraiment, s'amusa-t-il.


    – C'est vous-même qui m'avez conseillé de toujours chercher à me renseigner.


    – C'est exact, répondit-il, de bien meilleure humeur. Mais il faut que nous y allions, madame. "


    La prenant par le bras, il la conduisit jusqu'à la porte puis lui fit prendre l'escalier et le couloir conduisant à la porte d'entrée. Il n'y avait personne à l'extérieur. Les yeux de Barenziah inspectèrent rapidement les ombres proches. Avait-elle une chance de lui échapper si elle parvenait à se dégager ?


    " Vous ne cherchez tout de même pas à me fausser compagnie, si ? demanda-t-il, faussement blessé. Vous n'êtes pas curieuse de savoir ce que je vous prépare ?


    – Maintenant que vous le dites, si.


    – Vous préférez peut-être que je commence par vous parler de vos amis.


    – Non. "


    Cela sembla faire plaisir à Symmachus. C'était manifestement la réponse qu'il attendait, mais c'était aussi la vérité. Si elle se faisait du souci pour ses amis, et surtout pour Paille, elle s'en faisait d'abord et avant tout pour sa propre personne.


    " Je vais vous aider à monter sur le trône en tant que reine de Longsanglot. "



    Symmachus lui expliqua que telle avait toujours été son intention, et celle de Tiber Septim, à l'égard de la jeune femme. Que Longsanglot, qui était dirigé par l'armée depuis son départ précipité, une douzaine d'années plus tôt, retrouve progressivement un gouvernement civil. Sous la direction de l'empereur, bien sûr, en tant que partie intégrante de la province impériale de Morrowind.


    " Mais pourquoi m'avoir envoyée à Sombrelande ? voulut savoir Barenziah, qui avait du mal à croire ce qu'elle venait d'apprendre.


    – Pour vous protéger, évidemment. Pourquoi vous êtes-vous enfuie ?


    – Je n'avais aucune raison de rester, répondit-elle avec un haussement d'épaules. Vous auriez dû me mettre au courant.


    – Vous auriez été avertie si vous étiez restée là-bas. J'avais fait mander quelqu'un pour vous chercher afin que vous veniez passer quelque temps à la cour impériale. Mais vous aviez déjà pris la poudre d'escampette. Quant à votre destin, il aurait dû vous paraître évident. Tiber Septim ne garde que les gens qui peuvent lui être utiles, et en quoi donc auriez-vous pu le servir, sinon en montant sur le trône de Longsanglot ?


    – Je ne sais rien de lui. Ni de vous, d'ailleurs.


    – Alors, sachez ceci : Tiber Septim offre toujours une juste récompense, à ceux qui le servent comme à ceux qui s'opposent à lui. "


    Barenziah réfléchit quelques instants à ce que signifiait cette menace voilée :


    " Paille m'a été d'un grand secours et n'a jamais fait de mal à qui que ce soit. Il ne fait pas partie de la guilde des Voleurs. S'il nous a suivis, c'est parce que je le lui avais demandé. Il se contente de délivrer des messages et...


    – Je sais tout ce qu'il faut savoir à son sujet et au sujet de Therris, fit-il en l'interrompant d'un geste du bras. Alors ? Où voulez-vous en venir ? "


    Elle inspira profondément et se jeta à l'eau.


    " Paille veut juste une petite ferme. Si je dois être riche, je souhaiterais qu'il l'obtienne.


    – Très bien, concéda-t-il, agréablement surpris par ses exigences. Considérez que c'est fait. Et Therris ?


    – Il m'a trahie ", rétorqua-t-elle d'une voix dénuée d'émotion.


    Et c'était vrai. Il aurait dû la prévenir des risques de ce

    " travail " dans lequel il les avait entraînés, Paille et elle. Sans oublier qu'il l'avait poussée vers Symmachus pour se donner le temps de fuir. Il méritait tout sauf une récompense.


    " Certes, reconnut le général. Et bien ?


    – Eh bien, il me semble qu'il faut qu'il paye, non ?


    – Cela me paraît raisonnable. Quelle forme souhaitez-vous que prenne son châtiment ? "


    Barenziah serra les poings. Elle aurait voulu se venger elle-même, en lacérant le Khajiit de ses ongles. Mais une reine ne se comportait pas de la sorte, et apparemment, il lui fallait désormais réfléchir ainsi.


    " Le fouet, décida-t-elle. Euh, est-ce que vingt coups seraient trop, à votre avis ? Je ne veux pas qu'il garde de traces permanentes, vous comprenez. C'est juste pour lui donner une bonne leçon.


    – Bien sûr, sourit Symmachus avant de retrouver tout son sérieux. Il en sera fait selon vos désirs, Majesté. "


    Puis il s'inclina bien bas devant elle, comme on le faisait à la cour.


    Majesté ! Barenziah, reine de Longsanglot !


    Le coeur de la jeune femme bondit dans sa poitrine.



    Elle passa deux jours dans l'appartement de Symmachus, mais sans avoir une minute à elle. Drelliane, une Elfe noire, était chargée de s'occuper d'elle. Mais elle ne semblait pas être une servante car elle prenait ses repas en leur compagnie. Elle ne semblait pas non plus être la femme ou la maîtresse de Symmachus. En fait, elle parut amusée quand Barenziah lui posa la question, répondant simplement qu'elle était employée par le général et qu'elle faisait tout ce qu'il lui demandait de faire.


    Drelliane aida Barenziah à commander de belles robes et plusieurs paires de chaussures, ainsi qu'une tenue de cavalière et des bottes assorties. La jeune femme eut également droit à sa propre chambre.


    Symmachus passait le plus clair de son temps à l'extérieur. Elle le voyait à la plupart des repas, mais il parlait très peu de lui-même ou de ses journées. Sinon, il se montrait cordial, poli et disposé à discuter de la plupart des sujets. Il en allait de même avec Drelliane. Barenziah les trouvait agréables, tout en étant bien obligée de remarquer qu'il était difficile d'apprendre à les connaître, comme Katisha aimait le dire. Elle en éprouva une légère déception. Jamais elle n'avait vécu en compagnie d'autres Elfes noirs. Elle s'était attendue à se sentir proche d'eux, à avoir l'impression de faire partie de leur famille. Au lieu de cela, elle se rendit compte que Katisha et Paille lui manquaient.


    Lorsque Symmachus lui apprit qu'ils partiraient le lendemain matin pour la cité impériale, elle lui demanda si elle pouvait dire adieu à ses amis.


    " Katisha ? fit-il. Certes, mais je suppose que je lui dois bien quelque chose, à elle aussi. Après tout, c'est elle qui m'a mis sur votre piste en me parlant d'une jeune Elfe noire du nom de Berry qui s'habillait comme un garçon et qui aurait grand besoin de fréquenter d'autres Elfes. Apparemment, elle n'est en rien liée à la guilde des Voleurs. Et, au sein de la guilde, seul Therris semble connaître votre véritable identité. Cela vaut mieux. Je préfère que votre passé de voleuse reste secret. Je vous prierais de ne pas l'évoquer, Majesté. Un tel passé n'est pas digne d'une reine impériale.


    – Seuls Paille et Therris sont au courant, et ils ne le diront à personne.


    – Oh, je le sais bien ", fit-il avec un étrange sourire en coin.


    Il ignorait donc que Katisha savait, elle aussi. Mais sa réponse fit froid dans le dos à Barenziah.


    Paille vint la voir le matin du départ. On les laissa seuls dans un salon, mais Barenziah savait que d'autres Elfes se tenaient tout près, sans doute pour écouter ce qu'ils se disaient. Paille avait le teint pâle. Il la serra dans ses bras de longues minutes durant. Les épaules de l'ancien garçon d'écurie étaient prises de tremblements convulsifs et il pleurait sans retenue, mais il garda le silence.


    " Tu vois, nous avons fini par avoir tous deux ce que nous voulions, lui dit Barenziah en essayant de sourire. Moi, je vais devenir reine de Longsanglot, et toi, tu vas avoir la ferme dont tu rêvais. Je t'écrirai, Paille, je te le promets. Et tu devras trouver un scribe pour me répondre. "


    Il secoua tristement la tête. Quand Barenziah persista, il ouvrit la bouche et la lui montra en produisant quelques sons incompréhensibles. C'est alors qu'elle comprit. On lui avait arraché la langue.


    Elle se laissa tomber sur une chaise et pleura toutes les larmes de son corps.



    " Mais pourquoi ? demanda-t-elle à Symmachus une fois que Paille fut reconduit à l'extérieur. Pourquoi ?


    – Il en savait trop, se justifia Symmachus en haussant les épaules. Il aurait pu devenir dangereux. Au moins, il est toujours en vie, et il n'aura pas besoin de sa langue pour élever des cochons.


    – Je vous déteste ! " hurla Barenziah avant de se plier en deux sous le coup de la douleur et de vomir par terre.


    Elle continua à l'insulter entre deux crises de nausée, l'écoutant stoïquement tandis que Drelliane nettoyait le plancher. Puis, quand il en eut assez, il lui intima l'ordre de se taire si elle ne voulait pas se retrouver bâillonnée jusqu'à la cité impériale.

    Ils firent une courte halte devant la maison de Katisha avant de sortir de la ville. Symmachus et Drelliane ne mirent pas pied à terre. Tout semblait normal, et pourtant Barenziah ressentit une crainte soudaine en frappant à la porte. Katisha lui ouvrit. Barenziah remercia mentalement les dieux que son ami aille bien, puis elle remarqua que celle-ci avait les yeux rougis.


    " Pourquoi pleures-tu ? demanda-t-elle alors que Katisha la serrait dans ses bras.


    – Pour Therris, bien sûr. Tu n'es pas au courant ? Pauvre Therris. Il est mort, répondit la femme du forgeron, et Barenziah sentit un poing glacé se refermer sur son coeur. Il a été pris en flagrant délit alors qu'il cherchait à cambrioler la maison du commandant. Le pauvre, mais fallait-il qu'il soit stupide. Il a été écartelé à l'aube, sur ordre du commandant. J'ai assisté à l'exécution. Il m'avait demandé de venir. Oh, Berry, c'était affreux ! Il a tellement souffert avant de mourir. Je ne l'oublierai jamais. Il vous cherchait partout des yeux, Paille et toi, mais tout le monde ignorait où vous étiez. "


    Elle aperçut alors les deux cavaliers qui attendaient Barenziah.


    " C'est le commandant, n'est-ce pas ? fit-elle en se forçant à sourire. Symmachus. Tu sais, dès le moment où je l'ai vu, j'ai pensé, C'est lui qu'il faut à ma petite Barenziah. Je lui ai parlé de toi, il te l'a dit ?


    – Je sais, oui, répondit la jeune femme en prenant les mains de son aînée dans les siennes. Je t'aime, Katisha. Tu vas horriblement me manquer. Mais je t'en supplie, ne parle jamais de moi à personne, surtout pas à Symmachus. Jure-le. Et veille sur Paille, pour moi. Promets-le-moi, je t'en prie. "


    Surprise, Katisha promit tout de même.


    " Berry, ce n'est pas à cause de moi que Therris a été attrapé, dis ? Je... je n'en ai pas parlé à... lui ", fit-elle avec un regard furtif en direction du général.


    Barenziah l'assura qu'il n'en était rien et qu'un informateur avait averti la garde impériale du plan de Therris. C'était probablement faux, mais Katisha avait tant besoin de réconfort...


    " Oh, tant mieux ! Je m'en serais tellement voulue si... mais comment aurais-je pu savoir ? se lamenta-t-elle avant de se pencher pour murmurer à l'oreille de Barenziah : Ce Symmachus est terriblement séduisant, ne trouves-tu pas ? Et si charmant.


    – Je ne sais pas. Je n'y ai pas vraiment réfléchi. J'avais tant de choses en tête, répondit sèchement Barenziah avant d'expliquer qu'elle allait être reine de Longsanglot et qu'il fallait qu'elle aille vivre à la cour pour un temps. Il me cherchait sur ordre de l'empereur, c'est tout. Je n'étais rien d'autre qu'un... objectif pour lui. Je ne crois même pas qu'il me voit comme une femme, même s'il dit que je n'ai pas l'air d'un garçon. "


    Katisha entendit sa diatribe sans comprendre, car elle connaissait suffisamment Barenziah pour savoir que cette dernière jugeait tous les hommes qu'elle rencontrait en fonction de leur charme et de leur disponibilité.


    " Ce doit être le choc de découvrir que je suis vraiment reine ", expliqua la jeune femme en voyant que son aînée avait du mal à la croire.


    Katisha abonda dans son sens, déclarant que le choc devait en effet être très important, même si elle ne pourrait jamais en avoir la certitude, n'ayant elle-même aucune chance de le connaître un jour. Les deux femmes se sourirent et s'enlacèrent une dernière fois, sans chercher à retenir leurs larmes. Barenziah ne revit jamais Katisha. Ni Paille.



    Le groupe de cavaliers quitta Faillaise par la porte sud. Une fois dehors, Symmachus tapota l'épaule de Barenziah et lui montra la muraille à laquelle elle tournait le dos.


    " Je croyais que vous vouliez également dire au revoir à Therris, Majesté. "

    Barenziah regarda la tête empalée au-dessus de la porte sans détourner les yeux. Les corbeaux avaient commencé leur festin, mais les traits du Khajiit étaient toujours reconnaissables.


    " Je ne suis pas sûre qu'il m'entende, mais je ne doute pas qu'il soit heureux de me savoir en bonne santé, dit-elle d'un ton qu'elle voulait léger. Si nous y allions, général ?


    – J'imagine que c'est Katisha qui vous a mise au courant ? demanda-t-il, manifestement déçu par l'absence de réaction de la jeune femme.


    – Vous supposez bien. Elle a assisté à l'exécution.


    – Savait-elle que Therris faisait partie de la guilde ?


    – Tout le monde était au courant. Seuls les débutants tels que moi doivent garder leur identité secrète, mais les membres plus haut placés sont bien connus, expliqua-t-elle avec un sourire satisfait. Mais j'imagine que vous le saviez déjà, général.


    – Ainsi, lui auriez-vous révélé vos origines mais pas que vous apparteniez à la guilde ? poursuivit-il sans relever la pique.


    – Je n'avais pas le droit de révéler mon appartenance à la guilde, alors que je peux dire à tout le monde qui je suis, puisque ce secret n'appartient qu'à moi. De plus, Katisha est fondamentalement honnête. Je n'aurais pu le lui dire sans me dévaloriser à ses yeux. Elle ne cessait de répéter à Therris de changer de métier et j'ai toujours écouté ce qu'elle me disait. Et bien que cela ne vous regarde pas, savez-vous ce qu'elle pense également ? poursuivit-elle, en lui lançant un regard glacial. Que je serais plus heureuse si je m'installais avec un homme de ma race, qui aurait les qualités requises. Vous, en fait. N'est-il pas ironique que nos désirs se réalisent parfois, mais pas comme nous le souhaitions ? Ou plutôt, de la manière exacte dont on ne voudrait pas qu'ils se réalisent ? "


    En disant cela, elle avait serré les rênes dans ses poings et s'apprêtait à partir au galop, mais la réponse du général la surprit tellement qu'elle n'en fit rien.


    " Si. Très ironique ", dit-il d'une voix qu'elle ne lui connaissait pas, puis il s'excusa et ralentit son allure afin de laisser de la distance.


    Gardant la tête haute, elle fit tout pour montrer qu'il ne l'impressionnait pas. Et pourtant, quelque chose la troublait. Ce qu'il avait dit ? Non, mais la façon dont il l'avait fait. Comme si, d'une manière ou d'une autre, elle était un des désirs de Symmachus. Aussi improbable que cela puisse paraître, elle y réfléchit tout de même. Après des mois de recherches, il avait enfin réussi à la retrouver. En ce sens, son souhait avait donc fini par se réaliser.


    Mais l'issue était manifestement autre que celle qu'il espérait.
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    Barenziah, la Vraie Histoire Empty Livre III

    Message par Kay Mer 21 Nov - 19:22

    Plusieurs jours durant, Barenziah se sentit accablée d'une terrible tristesse à l'idée d'avoir été séparée de ses amis. Mais au bout de la deuxième semaine, elle commença à reprendre goût à la vie. Elle s'aperçut que repartir sur les routes lui plaisait, même si la compagnie de Paille lui manquait plus qu'elle ne l'aurait cru. Leur escorte prenait la forme d'une troupe de chevaliers rougegardes avec qui elle se sentait à son aise, bien qu'ils fussent nettement plus rigides et disciplinés que les gardes des caravanes avec qui elle avait voyagé précédemment. Ils se montraient amicaux envers elle mais ne lui manquaient jamais de respect malgré son comportement aguicheur.


    Symmachus lui en fit le reproche en privé, disant qu'une reine devait se montrer digne à tout moment.


    " Vous voulez dire que je n'ai pas le droit de m'amuser ? s'insurgea-t-elle.


    - Pas avec des individus tels qu'eux. Ils n'en sont pas dignes. Les dirigeants doivent faire preuve de bienveillance à l'égard de leurs sujets, Majesté, mais jamais de familiarité. Vous resterez chaste et pudique durant votre séjour à la cité impériale.


    - Dans ce cas, autant retourner à Sombrelande, ironisa-t-elle avec une grimace de dépit. Et puis, les jeunes filles elfes sont connues pour avoir la cuisse légère, tout le monde le dit.


    - Dans ce cas, tout le monde se trompe. Certaines courent peut-être les garçons, mais pas toutes. L'empereur et moi-même attendons de vous que vous sachiez faire preuve de discernement et de bon goût. Permettez-moi de vous rappeler que, si le trône de Longsanglot vous est promis, ce n'est pas en raison de votre statut d'unique héritière, mais bien car Tiber Septim l'a voulu. S'il vous juge indigne de ce rang, votre règne prendra fin avant même d'avoir commencé. Il exige intelligence, obéissance et discrétion de la part de ses sujets, ainsi, bien sûr, qu'une loyauté sans bornes ; et chasteté et pudeur sont, pour lui, les plus grandes vertus féminines. Je vous conseille instamment de prendre exemple sur notre bonne Drelliane, madame.


    - Plutôt retourner à Sombrelande ! répéta Barenziah, outrée de devoir imiter la prude et distante Drelliane.


    - J'ai bien peur que cela ne soit plus une option, Majesté. Si vous n'êtes d'aucune utilité à Tiber Septim, croyez qu'il veillera à ce que ses ennemis ne puissent pas se servir de vous contre lui. Autrement dit, faites cas de mes conseils si vous souhaitez garder la tête sur les épaules. Et permettez-moi d'ajouter que l'exercice du pouvoir offre des plaisirs autrement plus jubilatoires que ces médiocres étreintes charnelles avec le peuple, dont vous semblez vous repaître. "


    Il se mit à parler art, littérature, théâtre et musique, insistant sur les bals splendides organisés à la cour. D'abord motivée par les menaces du général, elle finit par l'écouter avec un intérêt grandissant. Quand il s'interrompit, elle lui demanda timidement si elle pourrait poursuivre ses études de magie à la cité impériale. Heureux de sa réaction, il lui promit de s'en occuper. Encouragée par ce premier succès, elle lui fit remarquer que trois des chevaliers qui les escortaient étaient des femmes et sollicita l'autorisation de s'entraîner au maniement des armes avec elles afin de faire un peu de sport. Symmachus accepta de moins bonne grâce, mais céda tout de même à son désir, à condition qu'elle ne s'entraîne qu'avec des femmes.


    Bien que froid, le temps resta au beau tout le reste de leur voyage, ce qui leur permit de progresser rapidement sur des routes en parfait état. Le tout dernier jour, les prémices du dégel annoncèrent l'arrivée du printemps. La disparition de la neige laissa une boue quasi généralisée derrière elle, mais personne ne s'en plaignit ; le retour du soleil et de la chaleur valait bien cet inconvénient.


    Ils arrivèrent au point du jour sur le grand pont menant à la cité impériale. Le rougeoiement du ciel conférait une teinte rosée aux somptueux édifices de marbre visibles au loin. Une large avenue pleine de monde menait au palais. Les lumières s'éteignaient les unes après les autres dans la devanture des boutiques, alors même que les premières étoiles apparaissaient dans le ciel. Même l'éclairage public était à la mesure de la capitale de l'empire. A l'est du palais, les tours de l'immense bâtiment de la guilde des Mages locale se dressaient vers le firmament, un fabuleux temple aux vitraux scintillants dans la lumière mourante, lui répondant comme en écho à l'ouest.


    Symmachus possédait des appartements dans une magnifique demeure proche du lieu de culte (il identifia ce dernier comme étant le temple de l'Unique, ancien culte nordique que Tiber Septim avait remis au goût du jour, et auquel Barenziah devrait se convertir si l'empereur la jugeait acceptable.) L'endroit était splendide, mais pas au goût de la jeune femme. Murs et meubles étaient d'un blanc immaculé, uniquement relevé de quelques touches d'or, le sol montrant partout l'uniformité du marbre noir. Barenziah y chercha vainement quelques couleurs qui auraient pu rendre l'ensemble moins terne.


    Le lendemain matin, Symmachus et Drelliane l'escortèrent jusqu'au palais impérial. Barenziah nota que toutes les personnes qu'ils croisaient traitaient Symmachus avec un immense respect basculant parfois dans l'obséquiosité. Le général semblait trouver cela normal.


    On les amena en présence de l'empereur sans attendre. La petite pièce dans laquelle ils pénétrèrent était baignée par le soleil qui entrait à flots par la grande verrière. Une longue table garnie d'un invraisemblable petit-déjeuner avait manifestement été préparée pour l'unique homme assis là. Ce dernier se mit sur pied d'un bond.


    " Ah, Symmachus, notre plus loyal ami. Votre retour nous fait grand plaisir. "


    L'empereur prit les épaules de son général, l'empêchant de mettre un genou à terre comme il en avait clairement l'intention.

    Barenziah fit la révérence lorsque Tiber Septim se tourna vers elle.


    " Et Barenziah, notre vilaine petite fugueuse. Comment allez-vous, mon enfant ? Laissez-nous vous regarder. Mais elle est charmante, Symmachus, absolument charmante ! Pourquoi nous l'aviez-vous donc cachée, toutes ces années ? La lumière ne vous fait pas mal aux yeux, mon enfant ? Souhaitez-vous que nous tirions les tentures ? Oui, bien sûr, décida-t-il en s'en chargeant lui-même, malgré les protestations de Symmachus. Pardonnez-nous le manque de courtoisie dont nous faisons preuve à votre égard, chers invités. Nous avons de nombreux sujets de préoccupation en ce moment, mais cela n'excuse en rien notre piètre sens de l'hospitalité. Asseyez-vous et mangez, nous avons là quelques excellentes nectarines du Marais noir. "


    Ils s'installèrent à table. Barenziah était stupéfaite, Tiber Septim ne ressemblant en rien au guerrier bourru et insipide qu'elle s'était imaginé. De taille moyenne (il faisait une bonne demi-tête de moins que Symmachus), il était bien proportionné et se déplaçait avec grâce. Il avait un sourire charmeur et des yeux bleus perçants, une épaisse touffe de cheveux blancs venait couronner son visage quelque peu ridé. Il pouvait avoir entre quarante et soixante ans. Il les incita de nouveau à boire et à manger, avant de poser à Barenziah les mêmes questions qui avaient troublé le général : pourquoi était-elle partie ? Ses tuteurs s'étaient-ils mal comportés envers elle ?


    " Non, Excellence, bien que je me le sois parfois imaginé ", répondit Barenziah.


    Symmachus lui avait concocté une histoire qu'elle raconta non sans un petit pincement au coeur. Paille, le garçon d'écurie, avait réussi à la convaincre que le comte ne parvenait pas à lui trouver un époux et qu'il comptait la vendre comme concubine à Rihad. Voyant arriver un Rougegarde, elle avait paniqué et fui avec Paille.


    Fasciné, Tiber Septim l'écouta se lancer dans la description de sa vie de garde de caravane.


    " Mais votre vie ressemble à une ballade ! s'exclama-t-il enfin. Par l'Unique, nous allons charger le barde de la cour de la mettre en musique. Vous deviez faire un charmant garçon.


    - Le général Symmachus a dit... commença-t-elle avant de s'interrompre et de baisser modestement les yeux. Il a dit, euh, que je n'avais plus vraiment l'air d'un garçon. Sans doute est-ce parce que j'ai... grandi au cours des derniers mois.


    - Notre loyal Symmachus ne manque pas de discernement.


    - Je sais que je me suis comportée en idiote, Majesté. J'implore votre pardon et celui de mes gracieux tuteurs. Je... je l'ai compris, il y a quelque temps déjà, mais j'avais trop honte de moi-même pour rentrer chez moi. Mais je ne souhaite plus retourner à Sombrelande, désormais. C'est Longsanglot dont mon coeur entend l'appel, Excellence. C'est là mon vrai pays.


    - Vous allez rentrer chez vous, chère enfant, nous vous le promettons. Mais nous souhaiterions que vous demeuriez quelque temps en notre compagnie, afin de mieux vous préparer à la tâche importante et solennelle que nous vous réservons. "


    Le rythme cardiaque de Barenziah s'accéléra subitement. Tout se déroulait comme Symmachus le lui avait prédit. Elle ressentit un brusque accès de gratitude envers lui, mais prit bien garde de ne pas quitter l'empereur des yeux.


    " C'est un immense honneur pour moi, Excellence. Sachez que je ne souhaite qu'une chose : vous servir de mon mieux, vous et le puissant empire que vous avez fondé. "


    La réponse était de circonstance, mais Barenziah pensait vraiment ce qu'elle disait. Impressionnée par la magnificence de la cité et l'ordre qui y régnait, elle se sentait tout excitée à l'idée d'avoir un rôle à jouer au sein de l'empire. Et le doux Tiber Septim lui plaisait beaucoup.



    Quelques jours plus tard, Symmachus partit pour Longsanglot afin d'y assumer le poste de gouverneur jusqu'à ce que Barenziah soit prête à monter sur le trône, après quoi il deviendrait ministre. Toujours accompagnée de Drelliane, qui devint officiellement sa chaperonne, Barenziah s'installa dans l'une des suites du palais. Plusieurs précepteurs vinrent lui donner des cours afin d'accroître son éducation générale, aucun sujet ne paraissant tabou pour une future reine. Durant cette période, elle se prit de passion pour l'étude de la magie, l'histoire et la politique, bien qu'incontournables, l'attirant nettement moins.


    Il lui arrivait de rencontrer Tiber Septim dans les jardins du palais, et ce dernier lui demandait toujours poliment comment ses leçons se déroulaient, n'hésitant pas à la réprimander avec le sourire pour le manque d'intérêt qu'elle montrait pour les affaires d'état. Il se faisait une joie de lui apporter les précisions qu'elle lui demandait en matière de magie et, quand il en parlait, même l'histoire et la politique devenaient moins rébarbatives.


    " N'oubliez jamais les gens cachés derrière les événements, mon enfant, avait-il coutume de dire. L'histoire n'est pas qu'un condensé de péripéties réunies dans des ouvrages poussiéreux. "


    Au fil de son éducation, leurs discussions devinrent plus longues, plus profondes et plus fréquentes. Il aimait parler de sa vision d'un continent de Tamriel dans lequel toutes les races, conservant leurs particularités et leur richesse personnelle, auraient le même objectif et contribueraient au développement de l'ensemble.


    " Certains concepts sont universels, du moins entre les êtres de bonne volonté, affirmait-il. Tel est ce que l'Unique nous enseigne. Nous devons nous unir contre les créatures malfaisantes que sont les Orques, Trolls, Gobelins et autres et, pour ce faire, il nous faut cesser de nous battre entre nous. "

    Ses yeux bleus s'illuminaient chaque fois qu'il abordait le sujet de son rêve et Barenziah se faisait alors une joie de l'écouter. Lorsqu'il se penchait sur elle, elle sentait une agréable chaleur l'envahir. Et, chaque fois que leurs mains se touchaient, elle ressentait de délicieux picotements sur tout le corps, comme si elle venait de recevoir une décharge électrique.


    Un jour, alors qu'elle ne s'y attendait nullement, il lui prit délicatement le visage entre les mains et l'embrassa. Elle recula après quelques secondes, stupéfaite par l'intensité des émotions qu'elle ressentait, et il s'excusa immédiatement.


    " Je... nous ne voulions pas, balbutia-t-il. Mais vous êtes si belle, ma chère... si belle... "


    Elle détourna le regard, pleurant sans s'en rendre compte.


    " Barenziah, êtes-vous en colère contre nous ? Parlez-nous, s'il vous plaît.


    - Je ne pourrai jamais vous en vouloir, Majesté, répondit-elle en secouant la tête. Je... je vous aime. Je sais qu'il ne faut pas, mais je ne puis m'en empêcher.


    - Nous avons une impératrice. C'est une femme bonne et vertueuse, la mère de nos enfants et futurs héritiers. Nous ne la répudierons jamais, et pourtant, il n'existe nulle intimité, nul amour entre elle et nous, expliqua-t-il. Elle voudrait que nous nous comportions autrement que nous sommes vraiment. Nous sommes l'homme le plus puissant de Tamriel et... Barenziah, nous... je... je crois bien que je suis également celui qui se sent le plus seul. "


    Il se leva brusquement.


    " Ah, le pouvoir ! lâcha-t-il avec dédain. Comme je l'échangerais contre la jeunesse et l'amour, si seulement les dieux m'y autorisaient.


    - Mais vous êtes jeune, Majesté, et plein de vie... plus que n'importe quel homme que j'aie jamais connu.


    - Aujourd'hui, peut-être, répondit-il en secouant la tête avec véhémence. Mais je sens que je m'affaiblis d'année en année, non, de jour en jour. Ma mortalité m'est sans cesse un peu plus rappelée, et cela m'est douloureux.


    - Si je peux en quoi que ce soit atténuer votre douleur, je vous en prie, laissez-moi le faire, le supplia-t-elle, bras tendus vers lui.


    - Non. Je ne puis vous voler votre innocence.


    - Je ne suis pas aussi innocente que vous le pensez.


    - Que voulez-vous dire ? " fit-il en fronçant les sourcils.


    La gorge de Barenziah se serra. Qu'avait-elle dit ? Mais il était trop tard pour faire machine arrière, désormais.


    " Je... il y a eu Paille, expliqua-t-elle, des trémolos dans la voix. Et je me sentais si seule... comme aujourd'hui. Je ne suis pas forte comme vous. Je... je ne suis pas digne de vous, Excellence...


    - Non, non, ne dites pas cela, Barenziah... ma Barenziah. Mais cela ne pourra pas durer. Nous avons tous deux des devoirs, vous envers Longsanglot et moi envers l'empire. Mais tant qu'il nous sera offert, partageons ce qui peut l'être, et puisse l'Unique nous pardonner nos faiblesses. "


    Tiber Septim lui ouvrit ses bras et elle accepta son étreinte avec joie.


    ***



    " Vous dansez au bord du volcan, mon enfant, la tança Drelliane alors que Barenziah admirait la splendide bague sertie d'un saphir que son impérial amant lui avait offerte pour célébrer leur premier mois.


    - Comment cela ? Nous nous rendons mutuellement heureux et nous ne faisons de mal à personne. Symmachus m'a demandé de faire preuve de discrétion et de discernement, mais comment aurais-je pu mieux choisir ? Et nous nous montrons extrêmement discrets. Il me traite comme sa fille en public. "


    La nuit, Tiber Septim lui rendait visite par le biais d'un passage secret dont lui-même et une poignée de fidèles gardes du corps étaient les seuls à connaître l'existence.


    " Vous plaisantez ? Il se comporte devant vous comme un chiot à qui l'on vient d'apporter son repas. N'avez-vous pas remarqué la froideur dont l'impératrice et son fils font preuve à votre encontre ? "


    Barenziah haussa les épaules. La famille de l'empereur s'était toujours montrée distante envers elle, même quand elle n'était pas encore la maîtresse de Tiber Septim.


    " Quelle importance ? rétorqua-t-elle. Le pouvoir est entre les mains de Tiber, et de lui seul.


    - Mais l'avenir appartient à son fils. Ne mettez pas la mère du jeune homme en butte au mépris général, je vous en supplie.


    - Qu'y puis-je si cette mégère collet monté est incapable d'attirer l'attention de son mari au repas ?


    - Exprimez-vous moins en public, c'est tout ce que je vous demande. L'impératrice ne compte guère, c'est vrai, mais ses enfants l'aiment et vous n'avez pas intérêt à vous en faire des ennemis. Tiber Septim n'a plus longtemps à vivre. Ce que je veux dire, se corrigea Drelliane en voyant l'expression de colère de Barenziah, c'est que les humains ont une espérance de vie très réduite. Ce sont des créatures éphémères, qui ne restent sur notre monde que quelques saisons, mais les familles des puissants prolongent plus longtemps leur existence. Vous devez vous faire des amis de tous les membres de la famille impériale si vous voulez tirer un parti durable de cette relation. Mais comment pourrais-je vous en faire prendre conscience, alors que vous êtes si jeune et que vous avez été élevée chez les humains ? Si vous suivez mon conseil, ce que je vous souhaite, vous-même et Longsanglot verrez la chute de la dynastie Septim, à compter que l'empereur en ait bien fondé une, tout comme vous avez assisté à son arrivée au pouvoir. Ainsi vont les humains. Ils vont et viennent au fil de l'histoire telles les marées. Leurs cités et leurs empires se déploient soudainement, comme de splendides fleurs, mais ce n'est que pour mieux se faner sous le soleil de l'été. A l'inverse, nous autres Elfes durons dans le temps. Chacune de leurs heures est une des nos années. "


    Barenziah éclata de rire. Elle savait que les rumeurs abondaient au sujet de Tiber Septim et elle. Elle en tirait d'ailleurs grand plaisir, car elle semblait fasciner tout le monde, exception faite de l'impératrice et de son fils. Les ménestrels chantaient sa beauté et son charme captivant. Elle était à la mode et désespérément amoureuse. Et si cela ne devait pas durer, tant pis. Tout n'était-il pas éphémère, de toute façon ? Barenziah se sentait vraiment heureuse pour la première fois de son existence. Ses journées n'étaient qu'une succession ininterrompue de moments de joie et de plaisir. Et les nuits étaient encore plus formidables.


    ***



    " Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? se lamenta Barenziah en s'observant d'un oeil critique dans le miroir. Regardez, plus aucune de mes robes ne me va. Qu'est-il advenu de ma taille de guêpe ? Serais-je en train de devenir obèse ?


    - J'ai plutôt l'impression que vous êtes enceinte, malgré votre jeune âge, répondit Drelliane. Le fait de multiplier les rapports charnels avec un humain a dû vous rendre fertile plus tôt que prévu. Il faut en avertir l'empereur sans attendre. Je pense qu'il vaudrait mieux que vous partiez pour Longsanglot au plus vite, s'il vous y autorise, et que vous éleviez votre enfant là-bas.


    - Seule ? répondit Barenziah, des larmes plein les yeux. Non, il ne voudra jamais. Rien ne pourra plus nous séparer, désormais. Vous verrez. "


    Drelliane secoua la tête. Même si elle n'en dit pas davantage, son air habituel de mépris distant se transforma en sympathie et en tristesse pour la naïve jeune femme qu'elle avait devant elle.


    Barenziah annonça la nouvelle à Tiber Septim le soir même.


    " Vous attendez un enfant ? demanda-t-il, sous le choc. Vous en êtes sûre ? Mais je croyais que les Elfes ne pouvaient enfanter si jeunes...


    - Comment pourrais-je en avoir la certitude ? répondit Barenziah avec un sourire forcé. Je n'ai jamais...


    - Je fais mander mon guérisseur sur l'heure. "


    Le guérisseur, un haut Elfe, confirma que Barenziah était bien enceinte et qu'une telle chose ne s'était jamais produite chez une jeune fille elfe de son âge. Il fallait y voir un signe de l'incroyable virilité de l'empereur, poursuivit-il, mais Tiber Septim lui intima l'ordre de se taire.


    " C'est impossible ! décida-t-il. Mettez-y un terme ! Nous vous sommons de le faire !


    - Sire ! s'insurgea le guérisseur, les yeux exorbités. Je ne puis...


    - Bien sûr que si, espèce d'incompétent ! Nous le souhaitons instamment. "


    Barenziah se redressa brusquement sur son lit.


    " Non ! s'écria-t-elle, affolée. Non ! Vous ne savez pas ce que vous dites !


    - Mon enfant, tenta de la calmer Tiber Septim en lui dédiant son plus beau sourire. Je suis vraiment désolé, mais cela ne peut être. S'il venait à naître, votre bébé pourrait devenir une menace pour mon fils et ses descendants, vous comprenez ?


    - Mais il est de vous ! protesta-t-elle.


    - Non. A l'heure actuelle, ce n'est qu'une possibilité, une graine qui n'a pas encore accueilli une âme. Nous ne pouvons la laisser arriver à terme. Je l'interdis. "


    Il se tourna vers le guérisseur, qu'il fixa durement. L'Elfe se mit à trembler.


    " C'est son enfant, Sire, essaya-t-il tout de même. Les femmes de ma race donnent rarement la vie. Aucune ne peut le faire plus de quatre fois, et encore cela est-il exceptionnel. La moyenne tourne autour de deux bébés par Elfe, et certaines n'en ont qu'un seul. Si je lui enlève celui-ci, peut-être ne pourra-t-elle plus jamais enfanter.


    - Vous nous aviez promis qu'elle ne pouvait tomber enceinte. Vous comprendrez donc que nous n'ayons guère foi en vos prédictions. "


    Barenziah se mit debout et courut en direction de la porte. Elle était nue et n'avait aucune idée de l'endroit où elle pouvait se rendre mais, ce qu'elle savait, c'était qu'elle ne pouvait rester. Elle n'atteignit même pas le battant. Les ténèbres se refermèrent sur elle et elle s'effondra.


    ***



    Elle s'éveilla en ressentant une vive douleur et un atroce sentiment de vide. Quelque chose avait disparu en elle, quelque chose qui était autrefois vivant et qui s'était éteint à tout jamais. Drelliane était là pour la consoler et laver le sang qui continuait de s'écouler doucement entre ses jambes. Mais rien ne pourrait jamais combler ce grand vide.


    L'empereur lui fit envoyer de somptueux cadeaux et d'invraisemblables compositions florales. Il lui rendait parfois visite pendant quelques brèves minutes, mais toujours accompagné de plusieurs membres de la cour. Au début, Barenziah accueillit ces instants avec plaisir. Mais il ne venait plus la rejoindre la nuit et, au bout d'un temps, elle cessa d'avoir envie de le voir.


    Plusieurs semaines s'écoulèrent et, quand elle eut totalement récupéré sur le plan physique, Drelliane l'informa que Symmachus avait écrit afin de demander qu'elle vienne à Longsanglot plus tôt qu'initialement prévu. Il fut donc annoncé qu'elle partirait dès que possible.


    Elle eut droit à une grande procession pour l'accompagner, un trousseau de reine et une impressionnante cérémonie saluant son départ de la cité impériale. Certains regrettèrent de la voir s'en aller et le lui firent savoir par leurs pleurs ou leurs déclarations, mais d'autres accueillirent la nouvelle avec une satisfaction non dissimulée.
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    Message par Kay Mer 21 Nov - 19:23

    " Tout ce que j'ai jamais aimé, je l'ai perdu, pensa tristement Barenziah en regardant les chevaliers qui l'escortaient. Et pourtant, j'ai acquis richesse et pouvoir et la promesse d'en gagner davantage encore. Mais je les ai payés au prix fort. Je comprends maintenant pourquoi Tiber Septim les aime tant, si lui aussi a dû consentir des sacrifices similaires pour les obtenir. Car la valeur de chacun se mesure sûrement à sa force d'abnégation. "

    Selon son souhait, elle montait une jument rouanne, vêtue comme une guerrière d'une resplendissante cotte de mailles de facture elfique tandis que ses dames de compagnie suivaient en carrosse.


    Au fil des jours, la route tortueuse avançant résolument vers l'est se mit à monter à l'abord des premiers contreforts des montagnes de Morrowind. Le fond de l'air était frais, le vent automnal soufflait en permanence. Mais il était également chargé des senteurs envoûtantes des roses noires à floraison tardive, natives de Morrowind et qui poussaient un peu partout à l'état sauvage, parfois même au milieu de la rocaille. Dans les villes et villages, Elfes noirs déguenillés se massaient pour crier son nom ou la regarder passer, bouche bée. La plupart des chevaliers constituant son escorte étaient rougegardes, mais il y avait également quelques hauts Elfes, Nordiques et Brétons parmi eux. Alors qu'ils s'enfonçaient plus profondément dans le coeur de Morrowind, ces étrangers devenaient de plus en plus inquiets et avaient tendance à resserrer leurs rangs sans s'en rendre compte. Même les hauts Elfes ne paraissaient pas à leur aise.


    Mais Barenziah eut enfin le sentiment d'arriver chez elle. Cette terre - sa terre ! - l'accueillait à bras ouverts, elle le sentait au plus profond de son être.



    Symmachus vint à sa rencontre à la frontière du royaume, accompagné d'un détachement de chevaliers constitué pour moitié d'Elfes noirs. Elle nota que tous portaient l'uniforme impérial.

    Son arrivée à Longsanglot fut saluée par une grande parade et les discours de bienvenue des hauts dignitaires.


    " Je vous ai fait préparer la suite de la reine, mais vous pouvez bien évidemment faire changer tout ce qui ne sera pas à votre goût ", lui dit le général alors qu'ils atteignaient le palais.


    Il lui décrivit ensuite par le menu la cérémonie du sacre, qui se tiendrait dans une semaine. Elle le retrouva aussi sûr de lui que lorsqu'elle l'avait quitté, du moins en apparence, mais elle sentit bien vite que, derrière cette assurance, il semblait guetter, voire espérer, l'approbation de la jeune femme. Voilà qui était nouveau.


    Il ne lui posa aucune question sur son séjour à la cité impériale ou sa liaison avec Tiber Septim, même si Barenziah ne doutait pas que Drelliane lui en avait parlé en détail dans les nombreuses lettres qu'elle lui avait envoyées.


    Comme bien souvent, la cérémonie fut un mélange de tradition et de nouveauté, puisqu'elle mêlait les coutumes elfiques de Longsanglot et les décrets impériaux. Barenziah prêta serment de servir l'empire et Tiber Septim, en plus du royaume de Longsanglot et de son peuple, après quoi elle accepta les serments de fidélité et d'allégeance de la part du peuple, de la noblesse et du Conseil. Ce dernier était constitué d'émissaires de l'empereur (que l'on appelait pudiquement des " consultants ") et de représentants du peuple de Longsanglot, pour la plupart des anciens, en accord avec la tradition des Elfes noirs.


    Barenziah s'aperçut rapidement qu'il lui faudrait passer le plus clair de son temps à servir de médiatrice entre ces deux factions. Les anciens étaient supposés faire la majorité des concessions, compte tenu des réformes récentes décidées par l'empire pour ce qui était de l'appartenance des terres et de la pratique de l'agriculture, mais celles-ci allaient presque toutes à l'inverse des pratiques des Elfes noirs, telles qu'elles avaient été entérinées par leurs divinités. Au nom de l'Unique, Tiber Septim, avait décidé l'établissement d'une nouvelle tradition, et les dieux et déesses eux-mêmes étaient manifestement censés s'y conformer.


    La nouvelle reine se jeta à corps perdu dans son travail. Vaccinée contre l'amour et les hommes, elle jura qu'on ne l'y reprendrait pas de sitôt, et peut-être même jamais. Comme Symmachus le lui avait promis bien des mois auparavant, elle fit connaissance avec les plaisirs de l'esprit et du pouvoir. A sa grande surprise, car ces matières ne l'avaient jamais intéressée lors de son instruction à la cité impériale, elle se découvrit une passion pour l'histoire et la mythologie des Elfes noirs, accompagnée d'un désir d'apprendre tout ce qui pouvait l'être sur son peuple. Elle apprit avec plaisir et fierté que les siens étaient reconnus comme de fantastiques artisans et de grands mages et guerriers depuis l'aube des temps.


    Tiber Septim vécut encore un demi-siècle, au cours duquel elle le vit en quelques occasions, lorsqu'il lui fallait se rendre à la cité impériale pour une raison d'état ou une autre. Il l'accueillait toujours chaleureusement et tous deux discutaient longuement en privé des affaires de l'empire lorsque l'opportunité se présentait. Il semblait avoir oublié qu'il y ait jamais eu autre chose que de l'amitié et une solide alliance politique entre eux. Il changea peu au fil des ans, à tel point que les plus folles rumeurs virent le jour à son sujet : on raconta ainsi que ses mages avaient trouvé le moyen de prolonger son existence, et qui plus est, que l'Unique l'avait rendu immortel. Et, puis, un jour, un messager arriva pour apprendre à Barenziah que Tiber Septim était mort et que Pélagius était désormais empereur.


    Symmachus et elle reçurent la nouvelle en privé. L'ancien général devenu Premier ministre de la reine prit cela stoïquement, comme toujours.


    " Cela semble à peine possible, fit Barenziah.


    - Je vous l'avais dit. Ainsi vont les humains. Ils ne vivent pas longtemps, mais cela n'a guère d'importance. Le pouvoir de Tiber Septim perdure sous les ordres de son fils.


    - Vous disiez pourtant autrefois que c'était votre ami. Sa disparition ne vous inspire donc aucun chagrin ?


    - Il fut un temps où il était bien plus proche de vous qu'un ami, et que ressentez-vous, Barenziah?


    Loin des regards, ils avaient depuis longtemps cessé de s'appeler par leur titre respectif.


    - Un grand vide, comme si je me retrouvais soudain seule, répondit-elle. Mais ce n'est pas nouveau.


    - Je sais, murmura-t-il en lui prenant la main. Barenziah... "

    Il tourna la tête vers elle et l'embrassa délicatement.

    Elle en fut absolument stupéfaite, car jamais encore il ne l'avait touchée. Elle n'avait jamais pensé à lui de cette façon, et pourtant, elle ne put nier la chaleur qu'elle sentit se répandre en elle au contact de ses lèvres, cette chaleur si délectable dont elle avait presque oublié jusqu'à l'existence. Ce n'était pas le brasier qui l'avait emportée au contact de Tiber Septim, mais plutôt le désir réconfortant qui lui rappelait... Paille ! Ce pauvre Paille, à qui elle n'avait plus pensé depuis si longtemps. Il devait avoir atteint l'âge mûr, aujourd'hui, s'il était toujours en vie. Il devait avoir une bonne douzaine d'enfants... ainsi qu'une femme assez bavarde pour deux, du moins Barenziah l'espérait-elle.


    " Epousez-moi, Barenziah, lui dit soudain Symmachus, comme s'il avait entendu ses réflexions sur le mariage. Ne trouvez-vous pas que j'ai assez patienté ? "


    Le mariage ? Avec lui ? Etait-elle incapable d'avoir une ambition plus élevée que ce petit rêve médiocre ? Elle se souvint qu'elle avait pensé la même chose à propos de Paille, tant d'années auparavant. Et pourtant, pourquoi pas ? Si elle ne choisissait pas Symmachus, qui lui resterait-il ?

    Les grandes familles nobles de Morrowind avaient été éradiquées par la grande guerre d'unification lancée par Tiber Septim et les purges qui s'en étaient suivies. Certes, les Elfes noirs avaient repris le pouvoir, mais ceux qui tenaient désormais les rênes de la province n'étaient pas les descendants des vrais nobles d'antan. La plupart d'entre eux étaient des parvenus, comme Symmachus, et encore ce dernier méritait-il bien plus que les autres ce qu'il avait obtenu. Au moins avait-il lutté pour protéger le royaume de Longsanglot, alors que les soi-disant " consultants " de la reine n'avaient qu'une seule et unique ambition : s'enrichir en vidant le royaume de ses forces vives, comme Coeurébène l'avait été. Mais Symmachus s'était battu pour Longsanglot et pour elle, afin de s'assurer que le royaume devienne prospère et le reste. Elle ressentit un vif élan de gratitude envers lui, ainsi que ce qui ressemblait indéniablement à de l'affection. Il était fiable et la servait bien. Et il l'aimait.


    " Pourquoi pas ? " fit-elle en souriant.


    Puis elle lui prit la main et l'embrassa.


    ***




    Cette union eut d'excellentes répercussions, tant sur le plan politique que personnel. En effet, même si l'empereur Pélagius Ier se méfiait de Barenziah, il vouait une confiance absolue en Symmachus, ami fidèle de son père.


    D'un autre côté, les habitants de Morrowind, naturellement collet monté, supportaient mal que l'ancien général ne soit pas de sang bleu et qu'il soit si proche de l'empire ; mais cela ne suffit pas à entacher la popularité de la reine auprès du peuple.


    " Dame Barenziah est des nôtres, répétait-on à mi-voix. Elle est retenue prisonnière, tout comme nous. "


    Barenziah était satisfaite. Sa nouvelle existence lui apportait sa part de travail et de plaisir. Qu'aurait-elle pu demander de plus ?

    Les années passèrent rapidement, avec leur lot de crises à régler, de tempêtes et famines à supporter, de complots à contrecarrer et de conspirateurs à exécuter. La prospérité de Longsanglot ne faisait que croître. Le peuple se sentait protégé et mangeait à sa faim, avec pour conséquence que la production des fermes et mines était sans cesse excédentaire. Tout allait donc à merveille, si ce n'était que le couple royal n'avait pas encore d'héritier.


    Mais les Elfes ont du mal à enfanter, et les nobles plus que les autres, aussi de nombreuses décennies s'écoulèrent-elles avant que l'absence d'héritiers ne devienne source d'inquiétude.


    " Le problème vient de moi, Symmachus, à cause de ce que l'on m'a fait, dit amèrement Barenziah. Si vous voulez changer de femme...


    - Je ne veux personne d'autre que vous, lui répondit-il avec douceur, d'autant que rien ne permet de dire que c'est vous qui ne pouvez plus avoir d'enfant. Peut-être est-ce moi. Quoi qu'il en soit, nous allons chercher le moyen de corriger cela. Et si le problème vient bien du jour où vous avez été blessée, il doit être possible de vous soigner.


    - Mais comment ? Et à qui pouvons-nous confier cette histoire ? Les guérisseurs ne respectent pas toujours leur serment de confidentialité.


    - Nous pouvons modifier la date et les circonstances de cet... incident. De toute manière, l'imagination fertile de Jèphre le Barde n'est jamais au repos. Quoi que nous disions, ou que nous taisions, vous pouvez être sûre qu'il propagera mille rumeurs à notre sujet. "


    Prêtres, guérisseurs et mages se succédèrent donc, mais ni les prières, ni les potions, ni les philtres ne donnèrent le moindre résultat. Finalement, les royaux époux décidèrent de s'en remettre à la providence. Après tout, ils étaient encore jeunes et avaient des siècles d'existence devant eux. Ils avaient le temps. Les Elfes avaient toujours le temps.



    En proie au désoeuvrement, Barenziah poussait sa nourriture du bout de sa fourchette sans même s'en rendre compte. Elle détestait dîner seule dans l'immense salle à manger. Symmachus était parti pour la cité impériale après avoir reçu une convocation envoyée par Uriel Septim, l'arrière-arrière-petit-fils de Tiber Septim. A moins qu'elle ait oublié une génération ou deux ? Elle ne savait plus. Ils se ressemblaient tous et disparaissaient si rapidement... Peut-être aurait-elle dû accompagner Symmachus, mais il avait fallu qu'elle règle le problème ennuyeux mais épineux soumis par la délégation de Larme.


    Un barde chantait dans une alcôve, mais elle ne l'écoutait pas. Depuis quelques temps, toutes les chansons lui semblaient identiques, fussent-elles récentes ou anciennes. Puis un vers attira son attention. Le ménestrel parlait de liberté et d'aventure, enjoignant ses auditeurs à délivrer Morrowind des chaînes qui l'entravaient. Comment osait-il ? Elle se leva et lui jeta un regard noir. Ecoutant les paroles de la chanson, elle réalisa que celles-ci évoquaient une guerre lointaine ayant opposé le pays aux Nordiques de Bordeciel et vantaient le courage des rois Edvard et Moraelyn et de leurs braves compagnons. Cette histoire remontait à de nombreux siècles, mais la chanson était nouvelle, et son sens, dans le contexte actuel... Barenziah ne sut trop que penser.


    Ce barde était manifestement impertinent, mais il avait le sens du rythme. Et elle dut également admettre qu'il était plutôt séduisant. Pas trop riche, ni vraiment jeune. Pourtant, il devait forcément avoir plus d'un siècle. Comment se faisait-il qu'elle ne l'ait jamais entendu jouer auparavant, ou au moins qu'elle n'ait pas entendu parler de lui ?


    " Qui est-ce ? demanda-t-elle à l'une de ses dames de compagnie.


    - Il se fait appeler Rossignol, madame, mais nul ne sait rien de lui.


    - Demandez-lui de venir s'entretenir avec moi quand il aura fini, je vous prie. "


    Le Rossignol vint finalement la trouver et la remercia de lui accorder une audience et de l'avoir si généreusement rémunéré. A sa grande surprise, elle le trouva calme et effacé, et non téméraire contrairement à ce que ses chansons polémiques auraient pu laisser croire. Il connaissait de nombreuses rumeurs sur tout le monde, mais elle n'apprit rien de lui, car il para toutes ses questions personnelles d'une répartie humoristique. Elle avait conscience qu'il se jouait d'elle, mais il le faisait avec tant de charme qu'elle fut incapable de lui en vouloir.


    " Mon vrai nom ? Mais je ne suis personne, Madame. D'ailleurs, il me semble me souvenir que mes parents m'ont nommé Per-Sohn. Mais est-ce bien sûr ? Cela n'a pas d'importance, de toute façon, car comment peut-on nommer ce que l'on ne connaît pas ? Ah, oui, finalement, je crois qu'ils m'ont baptisé Konépa. Mais je suis le Rossignol depuis si longtemps que je ne m'en souviens plus, car mes souvenirs finissent tous par se transformer en chansons, Madame, à tel point qu'il ne m'en reste plus un seul pour moi. Je suis vraiment un individu dénué d'intérêt. Où suis-je né ? A Nulepar, bien sûr. Et j'ai l'intention de m'installer à Labapeutètre un jour ou l'autre, mais je ne suis guère pressé de m'y rendre...


    - Je vois. Et si je vous parlais mariage, quelle jeune femme vous attirerait plus particulièrement ? Eve Antuelle ?


    - Je vois que je n'ai plus de secrets pour vous, Madame. Peut-être bien, en effet. Encore que je trouve également mademoiselle Paussyble fort charmante.


    - Ah, ça, monsieur ! Seriez-vous volage ?


    - Comme un oiseau, madame. Je volète çà et là, dans le chaud ou le froid, et vais où le hasard me porte. Ce dernier est d'ailleurs le seul habit que j'accepte de revêtir. "

    Barenziah lui sourit.


    " Dans ce cas, acceptez donc de passer quelque temps avec nous, sire Eratik.


    - Avec le plus grand plaisir, dame Reumharkable. "



    Après cette brève conversation, Barenziah reprit quelque peu goût à la vie. Tout ce qui lui avait semblé morne et insipide redevint passionnant à ses yeux. Elle accueillait chaque jour avec bonheur, attendant avec impatience le moment où elle pourrait discuter avec le Rossignol et l'écouter chanter. Contrairement aux autres bardes, il ne chantait jamais les louanges de la reine ou des autres dames, évoquant uniquement les exploits et faits d'armes des héros. Le jour où elle lui demanda pourquoi, il enroba sa réponse de son verbiage coutumier.


    " Quel plus grand compliment pourrais-je vous faire que celui que votre miroir vous fait chaque matin, Madame ? Et si vous souhaitez que votre beauté soit exprimée par les mots, tournez-vous alors vers les grands bardes d'antan, qui me sont infiniment supérieurs. Car comment pourrais-je rivaliser avec eux, moi qui ne suis né que depuis quelques jours, s'il faut en croire ma mémoire ? "


    Pour une fois, ils parlaient en privé. Incapable de trouver le sommeil, la reine l'avait fait mander afin qu'il joue quelques mélodies pour la détendre.


    " Vous êtes soit un fainéant, soit un lâche, monsieur. A moins que vous ne me trouviez aucun charme...


    - Il faudrait que je vous connaisse pour pouvoir louer vos nombreuses qualités, Madame, mais vous restez une énigme autant qu'un enchantement pour moi.


    - C'est faux. Si un enchantement est vraiment à l'oeuvre, c'est dans vos douces paroles, vos yeux et votre corps. Apprenez à me connaître si vous le voulez vraiment. Si vous osez. "


    Il vint s'allonger à côté d'elle et l'embrassa en la serrant dans ses bras.


    " Vous ne vous connaissez pas vous-même, Madame, murmura-t-il à son oreille, alors comment voudriez-vous que j'y parvienne ? Vous recherchez quelque chose dont vous ignorez vous-même la nature. Que pouvez-vous désirer que vous n'avez pas ?


    - La passion, répondit-elle sans la moindre hésitation, et les enfants qui en seraient le fruit.


    - Et vos enfants ? Que souhaitez-vous pour eux ?


    - La liberté de mener la vie de leur choix. Dites-moi, vous qui me paraissez si sage, où puis-je trouver ce que je cherche ?


    - Pour cela, il vous faut deux choses. L'une se trouve à côté de vous, l'autre en dessous de vous. Mais oserez-vous tendre le bras pour saisir ce qui pourrait vous appartenir, à vos enfants et à vous ?


    - Symmachus...


    - Ma personne recèle une partie de la réponse, l'autre étant cachée dans les mines de votre royaume. C'est elle qui nous donnera le pouvoir de réaliser nos rêves les plus fous. Songez à ce qu'Edvard et Moraelyn ont utilisé afin de libérer Hauteroche de la haïssable domination nordique. Si l'on s'en sert comme il convient, personne ne pourra nous résister, madame, pas même l'empereur. Vous désirez la liberté ? Il vous donnera la liberté suprême, en vous conférant le pouvoir de briser toutes les chaînes qui vous retiennent prisonnière. Pensez-y, Madame. "


    Sur ces mots, il l'embrassa de nouveau et se leva.


    " Vous partez ? s'écria-t-elle, surprise de tant le désirer.


    - Pour le moment, oui. Mais les plaisirs de la chair ne sont rien à côté de ce que nous pouvons partager, tous les deux. Je voudrais que vous réfléchissiez à ce dont je viens de vous parler.


    - Je n'en ai pas besoin. Que devons-nous faire ? Quels préparatifs sont nécessaires ?


    - Mais aucun, voyons. Certes, il m'est interdit d'entrer dans la mine, mais qui m'en empêchera si la reine se tient à mon côté ? Une fois dans les profondeurs de la terre, je vous guiderai jusqu'à l'objet qui nous intéresse et, ensemble, nous le ramèneront à la surface.


    - Le Cor de Convocation ! s'exclama-t-elle soudain en se rappelant ses nombreux cours d'histoire. Est-ce possible ? Mais comment l'avez-vous découvert ? J'avais lu qu'il était enterré dans les gigantesques cavernes de Daggerfall.


    - C'est faux. J'étudie la question depuis longtemps. Juste avant de mourir, le roi Edvard a confié le cor à son vieil ami, le roi Moraelyn. Par la suite, ce dernier l'a amené ici, en Longsanglot, le laissant à la garde du dieu Ephen, qui est né ici. Vous savez désormais ce que je n'ai appris qu'après de longues années de recherches.


    - Mais, et le dieu ? Ephen ?


    - Faites-moi confiance, Madame. Tout ira bien. "


    Laissant échapper un petit rire, il lui envoya un baiser et s'en alla.



    Le lendemain matin, ils passèrent devant les gardes postés à l'entrée de la mine et s'enfoncèrent dans les profondeurs de la terre. Sous prétexte d'inspecter les lieux, comme elle le faisait parfois, Barenziah se rendit d'une galerie à l'autre, accompagnée du seul Rossignol. Ils finirent par atteindre ce qui ressemblait à un passage oublié. S'y engageant, ils découvrirent que le tunnel conduisait à une ancienne galerie de la mine, abandonnée depuis longtemps. Le chemin était périlleux, car le plafond s'était éboulé en maints endroits, et ils durent parfois dégager quelques gravats afin de poursuivre leur progression. Rats et araignées couraient un peu partout, certains allant même jusqu'à les attaquer. Mais la dague du Rossignol et les sorts de feu de Barenziah eurent tôt fait de décourager les plus intrépides.


    " Nous sommes partis depuis trop longtemps, dit enfin Barenziah. On va commencer à nous chercher. Que vais-je pouvoir dire en remontant ?


    - Ce qui vous chante, bien sûr, répondit le Rossignol en éclatant de rire. Vous êtes bien la reine, non ?


    - Mais le seigneur Symmachus...


    - Ce paysan obéit à la personne qui possède le pouvoir. Il l'a toujours fait et n'est pas près d'arrêter. Et bientôt, le pouvoir absolu sera entre nos mains, mon coeur. "


    Il l'embrassa et Barenziah se sentit plus excitée que jamais. Les baisers du Rossignol l'enivraient, ses mains la faisaient bouillonner de désir.


    " Prenez-moi, maintenant, le supplia-t-elle.


    - Pas encore. Le moment n'est pas encore venu et le lieu est mal choisi, répondit-il en lui rappelant où ils se trouvaient. Attendez encore un peu. "


    Barenziah hocha la tête à contrecoeur et ils reprirent leurs recherches.


    " Voilà, dit enfin le barde en s'immobilisant devant un pan de mur anodin. C'est ici qu'il se trouve. "


    Il traça une rune dans la poussière en lançant un sort de sa main libre.


    La paroi se dissipa aussitôt, révélant l'entrée d'une sorte de temple souterrain. En son centre se dressait la statue d'un puissant dieu, armé d'un marteau levé au-dessus d'une enclume.


    " Par mon sang, je t'implore de te réveiller, Ephen ! s'écria le Rossignol. Je suis l'héritier de Moraelyn de Coeurébène, le dernier de la lignée royale née de ton sang. Libère ce que tu gardes afin que je puisse sauver Morrowind et les Elfes de l'anéantissement ! Je t'en supplie, frappe ! "


    A ces mots, la statue se mit à luire et s'anima, tandis que ses yeux brillaient d'un éclat rouge vif. La tête massive opina du chef et le marteau s'abattit avec violence. L'enclume se brisa en deux et la statue s'effondra du même coup. Barenziah s'agenouilla et se mit les mains sur les oreilles, tremblant de tout son être et incapable de réfréner un gémissement.


    Le Rossignol entra dans la salle et se saisit de l'objet révélé par l'enclume décrite, puis poussa un cri de triomphe en le brandissant bien haut.


    " Quelqu'un arrive ! s'affola Barenziah, avant de voir ce que tenait le poète. Mais, ce n'est pas le cor... c'est un bâton !


    - En effet, madame. Je vois que vous avez enfin ouvert les yeux, répliqua le Rossignol en partant d'un grand éclat de rire. Croyez que je suis désolé, très cher coeur, mais je dois vous quitter. Peut-être nous reverrons-nous un jour mais, d'ici là... Ah, Symmachus. Je vous la rends, mon vieux.


    - Non ! " s'écria Barenziah.


    Elle s'élança vers lui, mais il disparut subitement, au moment même où Symmachus arrivait à côté de lui, l'épée levée. La lame fendit l'air et le général s'immobilisa, comme pour mieux prendre la place du dieu réduit en pièces.

    Barenziah garda le silence. Elle avait l'impression de ne plus rien voir ni entendre... de ne plus rien ressentir...



    Symmachus expliqua à la demi-douzaine d'Elfes qui l'avaient accompagné dans la mine que le Rossignol et la reine Barenziah s'étaient égarés et avaient été attaqués par des araignées géantes. Perdant l'équilibre, le barde était tombé dans une profonde crevasse qui s'était refermée derrière lui. Il serait donc impossible de récupérer son corps. La reine était encore fortement secouée par cette expérience, d'autant qu'elle avait assisté à la mort de son ami, qui avait péri alors qu'il tentait de la défendre. Le charisme de Symmachus était tel que les chevaliers, qui n'étaient pourtant arrivés que quelques instants après lui, furent aussitôt convaincus qu'il leur disait la vérité.


    La reine fut escortée jusqu'au palais et, de là, à ses quartiers. Renvoyant toutes ses servantes, elle resta longtemps assise devant son miroir, sans comprendre ce qui venait de lui arriver. Le choc avait été si brutal qu'elle se sentait incapable de pleurer. Symmachus vint la rejoindre, l'observant longuement avant de prendre la parole.


    " Avez-vous la moindre idée de ce que vous avez fait ? lâcha-t-il enfin, froidement.


    - Vous auriez dû me prévenir, murmura Barenziah. Le Bâton du Chaos. Jamais je n'aurais imaginé qu'il se trouvait là. Il m'avait dit que... que... Oh, qu'ai-je fait ? Que va-t-il advenir de moi ? De nous ?


    - L'aimiez-vous ?


    - Oui, oui, oui ! Oh, mon Symmachus, puissent les dieux avoir pitié de moi, mais je l'aimais. Et maintenant, maintenant... je ne sais plus...


    - C'est déjà quelque chose, répondit-il d'une voix plus douce. Je ferai tout pour que vous ayez la joie d'enfanter, si tel est en mon pouvoir. Quant au reste, ma très chère Barenziah, je crains que vous n'ayez libéré une terrible tempête sur notre monde. Elle ne frappera pas tout de suite mais, quand elle le fera, nous l'affronterons ensemble, comme nous l'avons toujours fait. "


    Il s'approcha d'elle, la dénuda et la porta jusqu'au lit. La tristesse et les désirs réprimés de Barenziah étaient tels qu'elle répondit à ses avances comme jamais, lui faisant profiter du prodigieux goût de la vie que le Rossignol avait éveillé en elle. Et, ce faisant, elle chassa de son esprit les fantômes que le barde y avait fait naître en détruisant tout ce en quoi elle avait cru.



    Elle croyait que le vide qu'elle sentait en elle ne serait jamais comblé, et pourtant, un beau jour, il le fut, car un enfant prit vie dans son ventre. Alors que son fils grandissait en elle, les sentiments qu'elle éprouvait envers le toujours patient, fidèle et dévoué Symmachus se développèrent et l'affection qu'elle lui portait se transforma enfin en amour. Huit ans plus tard, les dieux leur sourirent une seconde fois en leur donnant une fille.


    Juste après que le Rossignol ait dérobé le Bâton du Chaos, Symmachus avait envoyé un message secret à Uriel Septim. Cependant, il ne s'était pas rendu lui-même à la cité impériale, préférant rester en compagnie de Barenziah tant qu'elle était fertile. Il encourut pour cela les soupçons et la défaveur temporaires de l'empereur. Des espions furent chargés de retrouver le voleur, mais le Rossignol semblait avoir disparu sans laisser de traces.


    " C'est sans doute un Elfe noir, dit un jour Barenziah. Mais il doit également avoir du sang humain, bien qu'il le cache, sans quoi sa proximité ne m'aurait pas rendue fertile.


    - Oui, c'est forcément un Elfe noir, et de la lignée des Ra'athims, sans quoi il n'aurait pas réussi à libérer le bâton, répondit Symmachus. Je ne crois pas qu'il ait eu l'intention de coucher avec vous. Etant Elfe, il n'aurait pas osé, sachant probablement qu'il n'aurait plus été capable de vivre loin de vous par la suite. Mais il savait sans le moindre doute que c'était bien le bâton, et non le cor, qui se trouvait au fond de la mine, et qu'il ne pourrait s'enfuir qu'en se téléportant. Car, contrairement au cor, le bâton ne lui aurait pas permis de se frayer un chemin jusqu'à la surface. Les dieux soient loués, il n'a pas le cor, au moins ! Mais comment a-t-il pu savoir ? J'avais moi-même placé le bâton dans l'enclume, avec l'aide du dernier héritier du Clan Ra'athim, qui occupe aujourd'hui le trône de Coeurébène. Tiber Septim a pris le cor, tout en me chargeant de protéger le bâton. Et maintenant, le Rossignol peut s'en servir pour semer le mécontentement et la dissension partout où il va, si tel est son souhait. Mais cela ne suffira pas à prendre le pouvoir. Pour cela, il lui faudrait posséder le cor et savoir comment l'utiliser.


    - Je ne suis pas persuadée qu'il soit intéressé par le pouvoir, lui fit remarquer Barenziah.


    - Nous cherchons tous le pouvoir, même si chacun de nous le fait à sa manière.


    - Pas moi, mon seigneur. Car j'ai enfin trouvé ce que je cherchais. "
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    Message par Kay Mer 21 Nov - 19:24

    Comme prédit par Symmachus, le vol du Bâton du Chaos n'eut guère de conséquences à court terme. L'empereur Uriel Septim envoya plusieurs messages aussi secs que brefs exprimant son déplaisir et poussant Symmachus à ne négliger aucun effort pour le retrouver et à communiquer tous les résultats obtenus à Jagar Tharn, mage de guerre impérial nouvellement nommé, qui avait la charge de l'affaire.


    " Tharn ! explosa Symmachus alors qu'il faisait les cent pas dans la chambre où Barenziah, enceinte de huit mois, brodait une petite couverture pour leur fils. Jagar Tharn ! Je ne lui indiquerais même pas comment traverser la rue s'il venait me supplier de le faire !


    - Qu'as-tu donc contre lui, mon amour ?


    - Je ne lui fais aucune confiance. Il a dans les veines du sang d'Elfe noir, de haut-Elfe et je ne sais quoi encore. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il combine les pires défauts de tous ses ancêtres. On ne sait rien de lui, sinon qu'il serait né au Val-Boisé, d'une mère Elfe des bois. Il semble s'être rendu partout depuis que... "


    Barenziah n'écoutait que d'une oreille, fatiguée qu'elle était par l'approche du terme de sa grossesse. Mais elle releva soudain la tête et laissa tomber son aiguille.


    " Symmachus... se pourrait-il que ce Jagar Tharn ne soit autre que le Rossignol déguisé ? "


    Son époux réfléchit longuement avant de lui répondre.


    " Non, mon amour. De tous les ancêtres dont il peut se prévaloir, il semble bien que les humains soient absents. "


    Barenziah savait que cela constituait une tare aux yeux de Symmachus. Car si l'ancien général méprisait les hauts-Elfes, qu'il considérait comme des intellectuels efféminés, et les Elfes des bois, qui étaient tous des paresseux et des voleurs à ses yeux, il admirait les humains, et plus particulièrement les Brétons, pour leur pragmatisme et leur intelligence, ainsi que pour l'énergie qu'ils étaient capables de développer.


    " Le Rossignol est natif de Coeurébène, et plus précisément du Clan Ra'athim. Je serais même prêt à parier qu'il fait partie de la Maison de Mora, car cette Maison a toujours accepté les humains. Et Coeurébène a très mal réagi lorsque le bâton nous a été confié après que Tiber Septim eût pris notre Cor de Convocation. "


    Barenziah poussa un long soupir. La rivalité opposant les royaumes de Coeurébène et de Longsanglot remontait à l'aube des temps. Pourtant, les deux nations n'avaient fait qu'une, autrefois, toutes les mines, richesses du territoire, étant sous l'autorité du Clan Ra'athim, lequel produisait également les hauts rois de Morrowind. Et puis, Coeurébène s'était scindé en deux cités-états, Coeurébène et Longsanglot, lorsque les fils jumeaux de la reine Lianne, petits-fils du légendaire roi Moraelynf, avaient été tous deux déclarés rois. A peu près à la même époque, la fonction de haut roi disparut, laissant la place à un chef de guerre, temporairement nommé par un conseil en cas d'urgence dans la province.


    Depuis ce temps, Coeurébène revendiquait jalousement son statut de plus ancien état de Morrowind, ses dirigeants n'hésitant pas à proclamer qu'ils étaient " plus égaux que les autres ", et que la garde du Bâton du Chaos leur revenait donc de droit. Longsanglot avait rétorqué que le roi Moraelyn lui-même avait confié le bâton à la garde du dieu Ephen, et que ce dernier était, sans le moindre doute possible, né à Longsanglot.


    " Dans ce cas, pourquoi ne pas faire part de tes soupçons à Jagar Tharn ? Qu'il retrouve donc le bâton ! Du moment qu'il est récupéré, quelle importance que ce soit par toi ou par lui ?


    - Détrompe-toi, c'est très important. Mais peut-être pas tant que cela, après tout. Et certainement pas assez pour que tu t'en préoccupes davantage. Reste-là et... continue à broder ", conclut-il avec un large sourire.


    Elle lui lança sa pelote de fil au visage, le touchant en plein nez.



    Quelque temps plus tard, elle donna naissance à un fils en excellente santé, qu'ils nommèrent Helseth. Personne n'entendit plus parler du Rossignol ni du Bâton du Chaos. Si le royaume de Coeurébène avait l'objet en sa possession, ses hauts dignitaires ne s'en vantèrent pas.


    Les années passèrent rapidement et dans la joie. Helseth grandit vite. Il ressemblait beaucoup à son père, qu'il vénérait. Quand il eut huit ans, Barenziah eut une fille, comblant ainsi son époux de bonheur. Helseth faisait la fierté de son père, mais la petite Morgia, prénommée en l'honneur de la mère de Symmachus, le faisait fondre chaque fois qu'il la voyait.


    Hélas, la naissance de Morgia n'annonça pas des jours meilleurs, bien au contraire. Les relations avec l'empire se détériorèrent sans raison apparente. Chaque année, les taxes exigées de Longsanglot augmentaient, et Symmachus en vint bientôt à la conclusion que l'empereur le soupçonnait d'avoir joué un rôle actif dans la disparition du bâton, aussi fit-il tout le nécessaire pour prouver sa loyauté en répondant sans broncher aux exigences toujours plus folles d'Uriel Septim. Pour cela, il dut augmenter le temps de travail quotidien de ses sujets et les impôts dont il les accablait, allant fréquemment, quand cela ne suffisait pas, jusqu'à combler la différence en puisant dans leurs caisses personnelles. Mais la tendance refusait de s'inverser et tout le monde, nobles comme gens du peuple, commençait à se plaindre. La situation devenait préoccupante.


    " Je veux que tu prennes les enfants avec toi et que tu ailles à la cité impériale, dit-il finalement un soir, au dîner. Tu dois forcer l'empereur à t'écouter, sans quoi nous aurons une révolte sur les bras d'ici le printemps. Je sais que tu en es capable. Tu as toujours su y faire avec les hommes.


    - Même avec toi, j'imagine, répondit-elle en s'obligeant à sourire.


    - Surtout avec moi.


    - Mais pourquoi les enfants ? " demanda-t-elle en jetant un oeil à sa progéniture.


    Helseth jouait du luth en chantant en duo avec sa petite soeur. Il avait quinze ans, Morgia presque huit.


    " Ils l'émouvront peut-être... et puis, il est grand temps qu'Helseth soit présenté à la cour impériale.


    - Admettons, mais ce n'est pas la raison qui te préoccupe, dit-elle en inspirant profondément pour se donner du courage. Tu penses que nous ne sommes plus en sécurité ici. Mais si tel est le cas, tu ne l'es pas non plus. Accompagne-nous. "

    Il lui prit les mains.


    " Barenziah, mon amour. Coeur de mon coeur. Si je pars maintenant, nous n'aurons plus rien à notre retour. Ne t'inquiète pas à mon sujet. Tout ira bien. Je suis assez grand pour me défendre, et je le ferai d'autant mieux si je n'ai pas à me faire du souci pour toi et les enfants.


    - N'oublie jamais que nous avons besoin de toi, murmura-t-elle en appuyant la tête contre la poitrine de son époux. J'ai besoin de toi. Nous pouvons nous passer de tout le reste si nous sommes ensemble et il est plus facile de vivre les mains vides et le ventre vide que le coeur vide. "


    Elle se mit soudain à pleurer en repensant au Rossignol et au Bâton du Chaos.


    " C'est à cause de ma stupidité si nous en sommes là, s'accusa-t-elle.


    - Si tel est le cas, je n'ai pas à m'en plaindre, bien au contraire, l'assura-t-il en lui souriant tendrement. Aucun de nous quatre ne manquera jamais de rien, je te le promets, mon amour. Je t'ai déjà tout volé une fois, Barenziah, car l'empire de Tiber Septim n'aurait jamais vu le jour sans mon aide. J'ai aidé à le fonder, je peux le détruire, s'il le faut. N'hésite pas à le dire à Uriel Septim. Et rappelle-lui que ma patience n'est pas infinie. "


    Barenziah poussa un petit cri de surprise. Symmachus n'était pas du genre à proférer des menaces en l'air. Jamais elle n'aurait pensé qu'il puisse un jour se retourner contre l'empire.


    " Comment ? s'enquit-elle.


    - Il vaut mieux que tu ne le saches pas, répondit-il en secouant la tête. Si jamais il se montre récalcitrant, contente-toi de lui répéter ce que je viens de te dire et ne crains rien. Il ressemble suffisamment à ses ancêtres pour ne pas s'en prendre à ma messagère. Car s'il venait à le faire, s'il vous faisait le moindre mal, à toi ou aux enfants, il sait qu'il ne lui resterait plus qu'à prier de n'avoir jamais vu le jour. Les dieux m'en sont témoins, je le traquerai, lui et tous les siens, et je ne connaîtrai pas le repos tant qu'il restera un Septim en vie. Je te le jure, mon amour... ma reine... ma Barenziah. "


    Barenziah le serra aussi fort que possible. Mais malgré la chaleur du corps de Symmachus, elle ne put s'empêcher de frissonner.


    ***



    Debout devant le trône de l'empereur, Barenziah tentait d'expliquer à ce dernier quelle était la situation au royaume de Longsanglot. Elle avait dû attendre plusieurs semaines avant d'être enfin reçue par Uriel Septim, l'audience ayant sans cesse été repoussée sous divers prétextes, tous plus fallacieux les uns que les autres : " Sa Majesté Impériale est indisposée " ou " Une affaire urgente réclame l'attention de son Excellence ", ou encore " Je regrette, Majesté, mais votre rendez-vous était prévu pour la semaine prochaine. Voyez... " Et le pire, c'est que cela se passait mal. L'empereur ne se prenait même pas la peine de faire semblant de l'écouter. Il ne l'avait pas priée de s'asseoir, pas plus qu'il n'avait autorisé les enfants à partir. Helseth se tenait droit comme une statue, mais la petite Morgia commençait à avoir du mal à en faire autant.


    L'agitation dans laquelle se trouvait Barenziah ne l'aidait en rien à se calmer. Peu de temps après son arrivée à la cité impériale, l'ambassadeur de Longsanglot était venue lui apporter plusieurs messages envoyés par Sym­machus. Les mauvaises nouvelles s'étaient succédées. La révolte tant redoutée avait finalement débuté, les paysans s'étant regroupés autour de quelques petits nobles dépités qui exigeaient que Symmachus leur remette le pouvoir. Seuls la garde impériale et une poignée de soldats, dont la famille servait Barenziah depuis maintes générations, défendaient encore Symmachus. Les hostilités avaient déjà commencé mais, apparemment, Symmachus allait bien et contrôlait encore la situation, même s'il écrivait lui-même que cela ne pourrait durer. Il suppliait Barenziah de tout mettre en oeuvre pour se faire entendre par l'empereur, et surtout de rester à la cité impériale avec les enfants jusqu'à ce qu'il lui écrive que la situation s'était calmée et qu'elle pouvait revenir.


    Elle avait essayé de se frayer un passage de force entre les obstacles que lui imposait la bureaucratie impériale, en vain. Et, pour ne rien arranger, du jour au lendemain, elle n'avait plus reçu la moindre nouvelle de Longsanglot. Les semaines s'étaient écoulées lentement et dans une ambiance insupportable, Barenziah passant sans cesse de la fureur qu'elle éprouvait à l'égard des nombreux majordomes d'Uriel à la crainte pour elle-même et les siens. Et puis, un jour, l'ambassadeur lui apprit qu'il attendait des nouvelles de Symmachus pour le lendemain soir au plus tard, non par les voies habituelles, mais par faucon de nuit. Comme si cela était un signe, elle apprit le même jour qu'Uriel Septim consentait finalement à la recevoir le lendemain matin.


    A leur entrée dans la salle du trône, l'empereur les avait accueillis d'un large sourire de bienvenue qui ne trouvait nul écho dans son regard. Puis, alors qu'elle lui avait présenté ses enfants, il les avait fixés avec une attention pour le moins dérangeante. Depuis cinq siècles qu'elle fréquentait les humains, Barenziah avait appris à lire leurs expressions et leurs tics, qui révélaient souvent bien plus qu'on ne le pensait. Bien que l'empereur fît tout son possible pour le cacher, elle lut un immense regret dans ses yeux, ainsi qu'un fugace désir de propriété. Mais pourquoi ? Il avait plusieurs enfants, lui aussi. Pourquoi vouloir ceux de Barenziah ? Et pourquoi avait-il lancé à cette dernière un regard brûlant de concupiscence, qu'il s'était hâté de détourner ? S'était-il lassé de son impératrice et de ses maîtresses, les humains étant connus pour leur inconstance ? Mais l'expression de l'empereur avait changé dès qu'elle avait commencé à évoquer la raison de sa venue et l'éruption de violence qui frappait son royaume. Il ne bougea pas le petit doigt tout le temps qu'elle parla.


    Stupéfaite autant qu'outrée par son absence de réaction, Barenziah le dévisagea subrepticement, cherchant en lui les signes des Septim qu'elle avait connus de par le passé. Elle n'avait rencontré cet empereur que deux fois en tout et pour tout, la première alors qu'il était encore enfant, et la seconde lors de son couronnement, vingt ans plus tôt. Il s'était comporté avec dignité lors de la cérémonie, mais sans montrer la distance qui semblait caractériser l'homme qu'il était devenu. En fait, n'était la ressemblance physique, on aurait pu dire qu'il s'agissait de deux individus différents. Et pourtant, quelque chose en Uriel Septim lui était familier. S'agissait-il d'un geste, de la façon de se tenir ?


    Elle eut soudain une bouffée chaleur, comme si l'on venait de renverser une cuve de lave sur sa tête. Une illusion ! Elle avait longuement étudié cette forme de magie depuis que le Rossignol s'était joué d'elle, apprenant à déceler les illusions sous toutes leurs formes. Et elle se trouvait en présence de l'une d'elles, elle le sentait comme un aveugle sent la chaleur des rayons du soleil sur son visage. Mais pourquoi ? Elle se mit à réfléchir frénétiquement, alors même qu'elle continuait de raconter l'insurrection à laquelle Symmachus faisait actuellement face. Se pourrait-il que cela soit par simple vanité ? Les humains avaient souvent honte des premiers signes de l'âge, alors que les Elfes, eux, étaient fiers de les arborer. Non, pourtant ; le visage d'Uriel Septim correspondait à son âge actuel.


    Barenziah n'osait pas faire appel à sa propre magie, car même les petits nobles avaient les moyens d'en détecter l'utilisation et de s'en protéger à l'intérieur de leur château, alors, l'empereur... Non, faire usage de magie en ce lieu l'exposerait au courroux d'Uriel Septim aussi sûrement que si elle le menaçait de sa dague.


    La magie...

    Une illusion...

    Cela lui rappela brusquement le Rossignol, et elle le vit soudain devant elle. Puis la vision se modifia et l'empereur redevint Uriel Septim, si ce n'est qu'il avait l'air triste, piégé. L'image changea à nouveau, laissant apparaître un troisième homme, ressemblant au Rossignol, mais pas tout à fait : le teint pâle, les oreilles pointues des Elfes et des yeux injectés de sang dans lesquels se lisait une malice insondable. Un tel homme était capable de tout !


    Puis, soudain, elle se retrouva de nouveau face au visage inexpressif d'Uriel Septim.


    Comment savoir si son imagination ne lui jouait pas des tours ? Elle ressentit une immense lassitude, comme si elle portait un lourd fardeau depuis trop longtemps. Voyant que la situation critique de Longsanglot ne lui attirait aucune sympathie de la part de son auditeur, elle décida d'engager avec lui une conversation plus légère afin de vérifier ses soupçons.


    " Vous souvenez-vous du banquet organisé après le couronnement de votre père, sire ? Vous n'étiez pas plus âgé que ma petite Morgia. Cela a été un immense honneur, pour Symmachus et moi-même, d'être vos seuls invités, exception faite de votre ami Justin, bien sûr.


    - Ah, oui, répondit-il prudemment. Il nous semble nous en souvenir, en effet.


    - J'ai appris que Justin était mort peu de temps après, Majesté. Quelle tristesse ! Vous étiez tellement amis, lui et vous.


    - C'est vrai. D'ailleurs, nous n'aimons toujours pas évoquer le sujet de sa disparition, rétorqua-t-il, devenant encore plus distant qu'avant, si c'était possible. Quant à votre requête, Madame, nous allons y réfléchir et nous vous ferons connaître notre réponse. "


    Barenziah s'inclina et les enfants firent de même. D'un signe de tête, l'empereur leur fit savoir que l'audience était terminée et ils se retirèrent.


    Barenziah inspira profondément une fois la porte de la salle du trône refermée. Camarade de jeu imaginaire, " Justin " n'existait que dans la tête du jeune Uriel, même si ce dernier insistait pour qu'une place lui soit réservée à chaque repas. Non seulement ça mais, malgré son prénom masculin, Justin était une fille ! Symmachus avait prolongé la plaisanterie bien des années encore, demandant à Uriel Septim des nouvelles de Justin à chacune de leurs rencontres. L'empereur appréciait grandement, comme le montrait la dernière conversation qu'il avait eue à ce sujet avec Symmachus, quelques années auparavant à peine. En réponse à la question de l'ancien général, il avait expliqué que son amie d'enfance avait fait la connaissance d'un jeune et incorrigible Khajiit, qu'elle avait épousé avant de s'installer à Lilandril pour cultiver des tubercules.


    L'homme qui occupait le trône de l'empereur n'était donc pas Uriel Septim. Le Rossignol, alors ? Se pouvait-il que... oui, bien sûr ! Barenziah sut qu'elle avait mis le doigt sur la réponse. Le Rossignol avait pris la place de l'empereur. Symmachus s'était cruellement fourvoyé quant à la menace qu'il représentait.


    Et maintenant ? se demanda-t-elle, affolée. Qu'était-il advenu du vrai Uriel Septim, et surtout, quelles pouvaient être les conséquences pour Longsanglot ? Rétrospectivement, Barenziah en vint à la conclusion que tous leurs problèmes étaient dus à l'imposteur. Sans doute avait-il pris la place d'Uriel Septim juste avant que Longsanglot ne commence à recevoir des exigences déraisonnables de la cité impériale. Cela expliquerait pourquoi les relations étaient restées mauvaises si longtemps entre l'empereur et eux. Connaissant la légendaire loyauté que Symmachus vouait à la dynastie Septim, il avait décidé de frapper le premier. Mais si tel était le cas, toute la famille de Barenziah courait un terrible danger. Ses enfants et elles se trouvaient pour ainsi dire entre les mains de l'imposteur, tandis que Symmachus devait faire face aux troubles fomentés à Longsanglot.


    Que faire ? Suivie de ses dames de compagnie et des chevaliers assurant sa garde, Barenziah poussa ses enfants devant elle en leur mettant une main sur l'épaule, veillant à ne rien laisser paraître. Ils atteignirent leur carrosse en quelques minutes à peine. Bien que leurs quartiers se trouvent tout près du palais, le décorum impérial interdisait de se déplacer à pied, même sur courte distance et, pour une fois, Barenziah en fut heureuse. Son carrosse lui apparut comme un refuge, même si elle savait que cette impression ne pouvait être que trompeuse.


    Un jeune garçon se précipita vers l'un des gardes pour lui tendre un parchemin avant de montrer l'attelage du doigt. L'homme d'armes apporta le message à sa maîtresse tandis que le garçon attendait, les yeux luisants. La note, très brève, présentait les compliments d'Eadwyre, roi de Refuge, dans la province de Hauteroche, à la célèbre reine Barenziah de Longsanglot, tout en sollicitant de lui faire la grâce de le recevoir. Ayant souvent entendu parler d'elle, il se disait désireux de faire sa connaissance.


    Barenziah eut tout d'abord envie de refuser. Elle ne souhaitait qu'une chose, quitter la cité impériale au plus vite, et rencontrer un humain, fut-il roi, ne l'attirait en rien. Elle fronça les sourcils en voyant que le garde revenait vers elle.


    " Madame, le garçon dit que son maître attend votre réponse. "


    Ce disant, il lui indiqua un homme encore séduisant, quoique âgé. Monté à cheval, il était accompagné d'une demi-douzaine de cavaliers constituant apparemment une partie de sa cour. Voyant qu'elle l'avait aperçu, il s'inclina respectueusement devant elle en ôtant son chapeau à plume.


    " Très bien, décida-t-elle brusquement. Va dire à ton maître que je le recevrai ce soir, après le dîner, petit. "


    Le roi Eadwyre avait l'air poli, inquiet... et en rien absorbé par la légendaire beauté de Barenziah. C'est déjà quelque chose, se dit-elle, songeuse.



    Barenziah attendait, debout devant la fenêtre de sa tour. Elle sentait la proximité du faucon de nuit familier mais ne le voyait pas encore, et ce, bien que le ciel nocturne fût aussi clair pour elle que si l'on était en plein jour. Et puis, soudain, il apparut, point minuscule évoluant sous la couche nuageuse. Quelques minutes plus tard, le faucon de nuit effectua sa descente et replia ses ailes pour se poser sur l'avant-bras de sa maîtresse, protégé par un long gant de cuir.


    Elle posa l'oiseau sur son perchoir et défit nerveusement le message attaché à l'une de ses serres. Le rapace la laissa faire, se contentant de boire longuement avant de lisser ses plumes avec son bec. Barenziah partageait la satisfaction du faucon, heureux d'avoir accompli sa mission et de goûter un repos mérité. Cependant, quelque chose n'allait pas, et même le rapace le sentait, en dépit de sa conscience et de son esprit limités d'animal.


    Réfrénant ses tremblements, elle déroula la petite feuille de papier. Le message n'avait pas été rédigé de la main de Sym­machus. Elle se força à s'asseoir et défroissa le papier d'une main tout en se préparant au pire. Elle avait raison.


    La garde impériale avait déserté son seigneur pour se joindre aux rebelles. Symmachus était mort. Les rares troupes loyales restantes avaient été totalement défaites. Symmachus était mort. Le chef rebelle avait été officiellement reconnu roi de Longsanglot par les envoyés de l'empereur. Symmachus était mort. Barenziah et ses enfants avaient été déclarés traîtres à l'empire et leurs têtes étaient mises à prix.


    Symmachus était mort.


    L'audience accordée par l'empereur n'était donc qu'une ruse, une parodie. L'usurpateur devait déjà être au courant, et il s'était joué d'elle : " Calmez-vous, Madame, et profitez des délices de la cité impériale. Prolongez votre séjour aussi longtemps qu'il vous plaira. " Son séjour ? Sa détention, oui. Et nulle doute que son arrestation était imminente. Elle ne se faisait aucune illusion quant à son sort. L'empereur ne la laisserait jamais repartir en vie.


    Symmachus est mort.


    " Madame ? "


    Barenziah sursauta, surprise par la servante qu'elle n'avait pas entendu approcher.


    " Qu'y a-t-il ?


    - Le Bréton est là, madame. Le roi Eadwyre, clarifia la jeune femme en voyant que sa maîtresse ne la comprenait pas. L'oiseau vous a-t-il apporté des nouvelles, madame ?


    - Rien qui ne puisse attendre, répondit Barenziah, qui sentait un gouffre sans fond s'ouvrir sous ses pieds. Occupe-toi du faucon. "


    Ce disant, elle se leva, arrangea le tissu de sa robe et se prépara à recevoir son royal visiteur.


    Elle se sentait totalement dénuée d'émotion et de vie, comme un cadavre.


    Symmachus est mort !



    Le roi Eadwyre la salua avec courtoisie et gravité. Il affirma être un fervent admirateur de Symmachus qui, selon lui, figurait en bonne place dans les légendes de sa famille. Puis, peu à peu, il en vint à la raison qui avait poussé Barenziah à demander audience auprès d'Uriel Septim. Il lui demanda des détails, puis voulut savoir si elle avait obtenu des assurances favorables à Longsanglot. Voyant qu'elle refusait de lui répondre franchement, il se décida à parler.


    " Vous devez me croire, Madame, s'écria-t-il soudain. L'homme qui se dit empereur n'est rien d'autre qu'un imposteur ! Je sais que cela doit vous paraître impensable, mais...


    - Non, répondit Barenziah en choisissant son camp. Vous avez parfaitement raison, monsieur. Je le sais. "


    Eadwyre se détendit pour la première fois, puis son regard se fit calculateur.


    " Vous dites que vous savez ? Et ce n'est pas pour faire plaisir à quelqu'un que vous considérez comme un fou ?


    - Je vous assure que non, monsieur, répondit-elle en inspirant profondément. Et qui se fait passer pour l'empereur, selon vous ?


    - Jagar Tharn, le mage de guerre impérial.


    - Ah ! Et auriez-vous entendu parler d'un individu se faisant appeler le Rossignol, par le plus grand des hasards ?


    - Il se trouve que oui, madame. D'ailleurs, mes alliés et moi-même sommes convaincus que le Rossignol et ce renégat de Tharn ne font qu'un.


    - Je le savais ! " s'exclama Barenziah en se levant et en tentant de masquer le trouble qui l'envahissait.


    Le Rossignol n'était autre que Jagar Tharn ! Cet homme était un véritable démon. Il avait planifié leur chute à la perfection, mettant son plan en action avec une ruse diabolique. Oh, Symmachus, mon Symmachus...

    Eadwyre toussa délicatement afin d'attirer son attention.


    " Madame, je... nous avons besoin de votre aide.


    - Il me semble que c'est plutôt moi qui devrait dire cela, répondit Barenziah d'un sourire sans joie. Mais poursuivez, je vous prie. En quoi puis-je vous être utile ? "


    Le monarque lui expliqua son plan sans attendre. Ria Silmane, apprentie de Jagar Tharn, avait été tuée par le faux empereur, qui l'accusait de trahison. Et pourtant, l'utilisation judicieuse qu'elle avait faite de sa magie lui permettait encore, par-delà la mort, de contacter ses proches restés sur le plan des mortels. Elle avait choisi un Champion acceptant d'aller rechercher le Bâton du Chaos, caché en un lieu inconnu par le mage de guerre renégat. Ce Champion devrait ensuite utiliser le bâton pour vaincre Jagar Tharn, lequel était invulnérable à toutes les autres attaques, puis délivrer le véritable empereur, emprisonné dans une autre dimension. Mais le Champion qui, fort heureusement, était toujours en vie, se languissait actuellement dans les oubliettes du palais. Il était donc nécessaire de détourner l'attention de Tharn, le temps de libérer le Champion avec l'aide de l'esprit de Ria. Barenziah avait réussi à attirer l'attention de l'imposteur, pour ne pas dire plus. Accepterait-elle de le distraire le temps que le plan soit mis en oeuvre ?


    " J'imagine qu'il devrait m'être possible d'obtenir une nouvelle audience, fit Barenziah sans rien promettre. Mais est-ce que cela sera suffisant ? Il faut que je vous dise que mes enfants et moi-même venons juste d'être déclarés traîtres à l'empire.


    - Dans votre royaume de Longsanglot et en Morrowind peut-être, Madame, mais les choses sont bien différentes à la cité impériale. La fange administrative qui empêche pour ainsi dire tout le monde d'obtenir une audience avec l'empereur ou l'un de ses ministres garantit également que vous ne risquez pas d'être emprisonnée avant une longue et lente procédure judiciaire, d'autant que, dans votre cas, tout cela sera encore ralenti par votre rang royal. Une reine et ses héritiers présomptifs ne peuvent être inquiétés, Madame. La bureaucratie impériale est une arme à double tranchant. "


    Barenziah se sentit rassurée en apprenant que ses enfants et elle ne risquaient rien pour le moment. Mais une phrase prononcée par Eadwyre la troublait.


    " Vous avez dit que j'avais attiré l'attention de l'imposteur, monsieur. Mais pourquoi avez-vous ajouté pour ne pas dire plus ? "


    Le roi eut soudain l'air mal à l'aise.


    " Les serviteurs du château murmurent que Jagar Tharn possède une statue à votre effigie, qu'il conserve dans une sorte de chapelle installée à votre honneur dans ses quartiers.


    - Je vois. "


    Sans pouvoir s'en empêcher, Barenziah repensa à sa romance insensée avec le Rossignol. Car elle avait été follement amoureuse de lui, aucun doute à ce sujet. Quelle idiote ! Et cet homme qu'elle avait cru aimer pour un temps avait causé la mort de celui qu'elle aimait vraiment. Elle n'arrivait pas à se faire à l'idée que Symmachus n'était plus. Mais même si tel est le cas, mon amour pour lui est toujours vivant, décida-t-elle fermement. Il serait toujours avec elle, tout comme la douleur qu'elle éprouvait à l'idée de devoir continuer à vivre sans lui. De passer chaque jour, chaque nuit, sans l'amour et la présence réconfortante de Symmachus. De savoir qu'il ne verrait jamais grandir ses enfants et que ces derniers, surtout la petite Morgia, ne sauraient jamais combien leur père était merveilleux, fort et aimant...


    Tu vas mourir pour cela, Rossignol. Pour tout ce que tu as fait subir à ma famille, tu dois mourir.


    " Cela vous surprend-il ?


    - Quoi donc ? demanda-t-elle, surprise par la question d'Eadwyre.


    - Le fait qu'il semble vouer un véritable culte à votre personne ?


    - Oh ! Oui et non. "


    Comprenant qu'elle souhaitait changer de sujet, Eadwyre recommença à parler de leur plan.


    " Notre Champion aura peut-être besoin de quelques jours pour s'enfuir, Madame. Pouvez-vous les lui procurer ?


    - Pourquoi me mettre dans la confidence, monsieur ? Pourquoi me faire confiance ?


    - Nous n'avons pas le choix, Madame. Mais même si nous l'avions, je sais que je pourrais vous faire confiance. Votre époux a été si bon avec ma famille depuis toutes ces années. Le seigneur Symmachus...


    - N'est plus.


    - Comment ? "


    Barenziah relata posément les événements récents.


    " Madame... je... c'est abominable ! Je... si vous saviez comme je suis désolé... "


    Pour la première fois, le calme de façade de Barenziah commença à se fissurer. Les marques de sympathie du roi étaient plus qu'elle ne pouvait en supporter. Elle se força à se reprendre.


    " Compte tenu des circonstances, Madame, nous ne pouvons vous demander...


    - Au contraire, monsieur. Compte tenu des circonstances, je me dois de faire tout mon possible pour venger le meurtre du père de mes enfants. "


    Une larme coula du coin de son oeil. Elle l'essuya rageusement.


    " En échange, je vous demande juste de prendre soin de mes enfants une fois qu'ils seront devenus orphelins.


    - Je vous en fais le serment, madame, répondit-il en se redressant, les yeux brillants. Que les dieux de notre pays bien-aimé et de tout Tamriel m'en soient témoins, j'en fais le serment. "


    Elle se sentit touchée par la promesse de son interlocuteur.


    " Merci du fond du coeur, monsieur, lui dit-elle. Vous avez toute ma gratitude, ainsi que celle de... de mes... de mes enf... "


    Et elle éclata en sanglots.



    Incapable de trouver le sommeil, elle resta toute la nuit assise à côté de son lit, mains croisées sur les genoux, à réfléchir à la situation. Elle se sentait incapable d'annoncer la terrible vérité à ses enfants, du moins tant qu'elle n'y serait pas obligée.


    Elle n'eut pas besoin de requérir une nouvelle audience auprès de l'empereur. Une convocation lui parvint à la première heure.


    Elle expliqua aux enfants qu'elle serait sans doute absente plusieurs jours durant, puis les embrassa après leur avoir fait promettre de ne pas poser de problèmes aux domestiques. Morgia laissa échapper quelques larmes, car elle s'embêtait atrocement dans la cité impériale. Pour sa part, et bien que mécontent d'apprendre la nouvelle, Helseth ne dit pas un mot. Il ressemblait tant à son père...


    Au palais impérial, Barenziah fut escortée, non pas à la grande salle d'audience, mais à un petit salon dans lequel l'empereur déjeunait seul. L'accueillant d'un hochement de tête, il lui montra la large baie vitrée.


    " La vue est magnifique, ne trouvez-vous pas ? "


    Barenziah contempla les tours de la cité, en se rappelant que c'était dans cette même pièce qu'elle avait fait la connaissance de Tiber Septim, toutes ces années auparavant. Ces années ? Non, ces siècles. Tiber Septim... encore un homme qu'elle avait aimé. Qui y avait-il eu d'autre ? Symmachus, Tiber Septim... et Paille. Elle se souvint du grand garçon d'écurie blond avec une grande affection, prenant seulement conscience maintenant qu'elle l'avait en effet aimé, sans jamais le lui dire. Elle avait été si jeune, alors, si insouciante. Mais c'était avant que tout le reste ne lui arrive, avant qu'elle ne le rencontre, lui. Pas Symmachus, non, mais le Rossignol. Elle fut choquée de constater qu'il continuait de l'affecter, même après tout ce qui s'était passé. Une vague de sentiments mêlés s'empara d'elle.


    Quand elle lui fit de nouveau face, Uriel Septim avait disparu et le Rossignol se tenait à sa place.


    " Vous saviez, lui dit-il en la dévorant des yeux. Vous avez su dès le premier instant. Et moi qui voulais tant vous faire la surprise. Vous auriez au moins pu faire semblant. "


    Elle écarta les bras en essayant de faire taire le torrent d'émotions qui grondait en elle.


    " J'ai bien peur d'être beaucoup moins douée que vous pour cela, Monseigneur.


    - Vous m'en voulez, comprit-il dans un soupir.


    - Peut-être un peu, oui, répondit-elle d'une voix cassante. Je ne sais pas pour vous, mais la trahison m'a toujours dérangée.


    - Quelle attitude... humaine. "


    Elle inspira profondément.


    " Que désirez-vous de moi ?


    - Ah ! Là, je sais que vous faites semblant, dit-il en se levant. Vous savez fort bien ce que je veux.


    - Vous avez envie de me tourmenter. Parfait, allez-y. Je suis en votre pouvoir. Mais laissez mes enfants tranquilles.


    - Non, non, ce n'est pas du tout cela que je veux, Barenziah. "


    Il s'approcha lentement d'elle, en reprenant la voix envoûtante qui l'avait tant séduite autrefois... et qui continuait de le faire, s'il fallait en juger par les frissons de plaisir qui remontaient le long de sa colonne vertébrale.


    " Ne voyez-vous pas ? C'était le seul moyen ", se justifia-t-il en lui prenant les bras.


    Barenziah sentit sa détermination faiblir et le mépris qu'il lui inspirait se résorber peu à peu.


    " Vous auriez pu m'emmener avec vous, protesta-t-elle, les yeux humides de larmes.


    - Je n'en avais pas le pouvoir, alors, répondit-il en secouant la tête. Mais maintenant... maintenant, tout est à moi, et je vous le donne. Tamriel tout entier est à vos pieds, et ce n'est que le commencement.


    - C'est trop tard. Vous m'avez abandonnée... laissée avec lui.


    - Le paysan est mort. Quelques années de plus ou de moins n'ont guère d'importance


    - Mais... mes enfants...


    - Je les adopterai. Et nous en aurons d'autres, Barenziah. Oh, comme ils seront beaux ! Songez à tout ce que nous avons à leur donner : votre beauté et ma magie. Je possède des pouvoirs que vous ne pouvez imaginer même dans vos rêves les plus fous ! "

    Il se pencha pour l'embrasser mais elle lui échappa.


    " Je ne vous crois pas.


    - Oh, mais je sais bien que si. C'est juste que vous êtes encore en colère contre moi, dit-il en souriant, mais ses yeux restèrent toujours aussi froids et calculateurs. Dites-moi ce que vous désirez, Barenziah. Ma bien-aimée. Dites-le moi et vous l'aurez. "


    Barenziah vit son existence défiler devant ses yeux. Le passé, le présent, l'avenir, même. Toutes ces époques différentes, et elle, toujours changeante. Mais qui était la vraie Barenziah ? La question était cruciale, car c'était la réponse qui déterminerait son destin.


    Elle fit son choix en quelques instants. Elle savait qui était la vraie Barenziah et ce qu'elle voulait.


    " Une promenade dans vos jardins, mon seigneur. Et quelques chansons, peut-être... "


    Le Rossignol éclata de rire.


    " Vous voulez que je vous fasse la cour ? demanda-t-il, incrédule.


    - Et pourquoi pas ? Vous le faites si bien... et cela fait si longtemps que je n'ai plus été l'objet de tant d'attentions.


    - Il en sera comme vous le souhaitez, ma reine, accepta-t-il en lui faisant un baisemain. Vos désirs sont des ordres, maintenant et pour toute l'éternité. "



    Le Rossignol passa donc les jours suivants à la courtiser et tous deux se promenèrent en discutant et en riant tandis que la gestion de l'empire était laissée aux sous-fifres de l'empereur.


    " J'aimerais voir le bâton, dit un jour Barenziah sans avoir l'air d'y toucher. Je ne l'ai aperçu qu'une fraction de seconde, vous vous souvenez.


    - Rien ne me ferait davantage plaisir, mon coeur, mais c'est hélas impossible.


    - Vous ne me faites pas confiance, bouda-t-elle, mais sans se refuser à lui quand il se pencha pour l'embrasser.


    - Bien sûr que si, mon amour, mais le bâton n'est plus ici, expliqua-t-il avant de partir d'un petit rire. En fait, il ne se trouve plus nulle part. "


    Il l'embrassa de nouveau, avec passion.


    " Vous recommencez à parler par énigmes, mais je veux le voir. Je sais que vous ne l'avez pas détruit, car c'est impossible.


    - Je vois que vous avez gagné en sagesse depuis notre dernière rencontre.


    - C'est en partie à vous que je le dois, répondit-elle en se levant. Le Bâton du Chaos ne peut être détruit et il est impossible de l'arracher à Tamriel sans que la terre elle-même en souffre.


    - Ah, vous m'impressionnez, mon coeur. Tout cela est on ne peut plus vrai. Le bâton n'a pas été détruit ni emmené hors du continent. Et pourtant, comme je vous l'ai dit, il ne se trouve plus nulle part. Parviendrez-vous à résoudre cette énigme ? Et, tenez, en voici une autre : comment transformer deux en un ? Laissez-moi vous montrer."


    Il l'attira à lui et elle se laissa faire. Leurs deux corps fusionnèrent.


    Plus tard, alors qu'il dormait à côté d'elle, une idée lui vint à l'esprit :


    " Deux en un... et pourquoi pas un en deux, ou en trois ou quatre ? Qui sait s'il n'est pas possible de séparer en plusieurs morceaux ce qui ne peut être banni ou détruit... "


    Elle s'assit brusquement, les yeux brillants, et se mit à sourire.



    Le Rossignol tenait un journal intime, qu'il mettait à jour chaque soir, après avoir reçu les rapports de ses laquais. Il le rangeait dans un tiroir fermé à clé de son bureau, mais la serrure n'avait rien de complexe. Et Barenziah n'avait-elle pas fait partie de la guilde des Voleurs dans une autre vie ?


    Un matin, elle parvint à jeter un oeil au calepin alors que le Rossignol faisait sa toilette. Elle y apprit que le premier morceau du Bâton du Chaos était caché dans une ancienne mine dwemer appelée Antre des Crocs, bien que l'endroit où cette dernière était située ne soit décrit d'une manière très vague. Rédigé dans un langage abrégé propre au Rossignol, le carnet était très difficile à déchiffrer.


    " Tout Tamriel est entre nos mains, songea-t-elle. Et plus, peut-être. Et pourtant... "


    Malgré tout le charme du Rossignol, il n'avait pas de coeur, rien qu'un grand vide dont il ne semblait pas avoir lui-même conscience. Il le laissait paraître de temps en temps, quand son regard devenait d'une exceptionnelle dureté. Et pourtant, lui aussi recherchait le bonheur, même s'il ne lui donnait pas la même signification que les autres gens. Lui non plus n'est pas immunisé contre les petits rêves médiocres, songea-t-elle en repensant à ce qu'elle avait dit à Paille, toutes ces années auparavant. Paille lui revint en mémoire, l'air triste, perdu. Et Therris, avec son inimitable sourire félin de Khajiit. Tiber Septim, immensément puissant, mais si seul. Symmachus, fidèle et solide comme un roc, qui faisait toujours ce qui devait être fait, avec calme et efficacité. Et enfin, le Rossignol, énigme et certitude, lumière et ténèbres à la fois. Le Rossignol, qui cherchait à gouverner le monde en généralisant le chaos au nom de l'ordre.


    Barenziah demanda à plusieurs reprises l'autorisation d'aller voir ses enfants, lesquels ignoraient toujours que leur père était mort et que l'empereur avait décidé de les prendre sous sa protection. Elle finit par l'obtenir, non sans mal. Quand elle annonça la triste nouvelle à ses enfants, Morgia se colla à elle pour pleurer toutes les larmes de son corps, tandis que Helseth courait trouver un peu de solitude dans le jardin. Par la suite, il refusa de discuter de son père avec Barenziah, ou même de la laisser le prendre dans ses bras.


    Eadwyre en profita pour lui rendre visite. Elle lui révéla tout ce qu'elle avait appris, tout en lui expliquant qu'elle devait rester au côté de l'imposteur afin de tenter d'en découvrir davantage encore.


    Le Rossignol la taquina au sujet de son vieil admirateur. Il était parfaitement au courant des soupçons d'Eadwyre mais ne s'en préoccupait guère, persuadé qu'il était que le vieux fou ne pouvait en rien lui nuire. Barenziah parvint même à organiser une sorte de réconciliation entre eux deux. Eadwyre revint publiquement sur ses déclarations et son " vieil ami " l'empereur le pardonna. Par la suite, le roi fut invité à venir dîner au moins une fois par semaine en compagnie du Rossignol et de Barenziah.


    Les enfants aimaient bien Eadwyre. Par contre, Helseth désapprouvait la liaison que sa mère entretenait avec l'empereur, qu'il détestait. Devenu boudeur et prompt à de soudains accès de colère, il se querellait fréquemment avec sa mère et l'amant de cette dernière. Eadwyre ne semblait pas non plus approuver cette liaison et le Rossignol prenait grand plaisir à montrer publiquement son affection pour Barenziah afin de contrarier le vieil homme.


    Ils ne pouvaient se marier, bien sûr, car Uriel Septim l'était déjà. Du moins, pas encore. Le Rossignol avait condamné l'impératrice à l'exil peu de temps après avoir pris la place de l'empereur, sans toutefois oser la faire exécuter. Elle avait été accueillie par le Temple de l'Unique. On prétendait qu'elle connaissait des problèmes de santé et les agents du Rossignol faisait circuler la rumeur selon laquelle elle souffrirait également de troubles mentaux. De la même manière, les enfants de l'empereur avaient été envoyés dans diverses prisons que l'on appelait des " écoles ".


    " Son état ne va pas cesser de se détériorer, dit un jour le Rossignol de l'impératrice en regardant avec satisfaction le ventre gonflé de Barenziah. Quant à leurs enfants... les accidents existent, n'est-ce pas ? Nous allons nous marier et notre enfant sera mon héritier. "


    Il voulait cet enfant, elle en était persuadée. Par contre, elle était bien moins sûre de ce qu'il éprouvait véritablement pour elle. Ils se querellaient constamment et avec une grande violence, le plus souvent au sujet d'Helseth, que le Rossignol voulait envoyer dans une école de l'archipel de l'Automne, province la plus éloignée de l'empire. Barenziah ne cherchait nullement à éviter ces altercations, bien au contraire, car elle savait fort bien que le Rossignol n'était en rien intéressé par une vie tranquille et dénuée de conflits. Et il aimait tant se faire pardonner après coup...


    De temps en temps, Barenziah prenait ses enfants avec elle et repartait dans ses anciens quartiers, affirmant qu'elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui. Mais toujours il venait la rechercher et toujours elle se laissait convaincre. C'était inévitable, comme les marées ou la trajectoire dans le ciel des lunes jumelles de Tamriel.


    ***



    Elle était enceinte de six mois quand elle déchiffra enfin le texte indiquant où se trouvait le dernier morceau du bâton. Elle n'eut même pas besoin de consulter une carte, tous les Elfes noirs sachant pertinemment où était situé le mont de Dagoth-Ur.


    Lors de sa dispute suivante avec le Rossignol, elle quitta purement et simplement la ville en compagnie d'Eadwyre, partant à bride abattue pour Refuge, en Hauteroche. L'usurpateur entra dans une rage folle mais ne put pas faire grand-chose contre elle. Ses assassins étaient extrêmement peu performants et il n'osait pas quitter la cité impériale pour aller s'occuper d'elle en personne. Il ne lui était pas non plus possible de déclarer la guerre à Refuge, car Barenziah n'était pas légalement sienne, pas plus que l'enfant qu'elle portait dans son ventre. Fidèles à leurs habitudes, les nobles de la cité impériale avaient vu la liaison entre l'empereur et Barenziah d'un très mauvais oeil, comme cela s'était passé tant d'années auparavant avec Tiber Septim. Ils furent donc heureux de la voir s'en aller.


    Le peuple de Refuge ne faisait pas davantage confiance à la reine déchue mais, Eadwyre étant très aimé de la populace, celle-ci avait tendance à lui pardonner ses... excentricités. Barenziah épousa Eadwyre un an après la naissance de son troisième enfant, un fils. Malgré cette grossesse malheureuse, Eadwyre était fou d'elle et de ses enfants. Pour sa part, elle ne l'aimait pas, mais elle éprouvait pour lui de l'affection, ce qui était déjà quelque chose. Elle appréciait d'avoir quelqu'un à ses côtés et Refuge était un endroit excellent pour élever de jeunes enfants. Eadwyre et elle attendraient leur heure, en souhaitant que le Champion accomplisse sa mission.


    Barenziah espérait que cela ne tarderait pas trop. Elfe, son espérance de vie était encore longue ; pourtant elle n'avait plus d'amour à donner ni de haine pour la pousser de l'avant. Il ne lui restait que la douleur, ses souvenirs et sa famille. Elle ne souhaitait qu'une seule chose : élever ses enfants et leur offrir une belle existence tout en vivant ce qui restait de la sienne. Elle ne doutait pas que sa vie serait encore longue et ne recherchait que la paix, le calme et la sérénité, dans son coeur comme dans son âme. De petits rêves médiocres. C'était tout ce à quoi elle aspirait, désormais. Tout ce que la vraie Barenziah voulait.


    Fais de beaux rêves, Barenziah.
    Dahlia Kurodo
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    Message par Dahlia Kurodo Mer 21 Nov - 20:08

    Merci à toi, Kay ! chanter

    Je lirais dès que possible. clin doeil

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